Rock & Folk

Graham Parker

“DON’T TELL COLUMBUS”

- ERIC NAULLEAU

Quel rocker peut se vanter d’avoir signé cinq chefs-d’oeuvre pour autant de décennies ? Graham Parker ! Du pouce à l’auriculair­e : “Squeezing Out Sparks” (1979), “The Mona Lisa’s Sister” (1988), “Acid Bubblegum” (1996), “Don’t Tell Columbus” (2007) et “Three Chords Good” (2012). Le compte y est. Poignée d’albums au sein de laquelle “Don’t Tell Columbus” mérite un sort particulie­r. D’abord parce que même les plus enragés des Parkeroman­es ne rêvaient plus que leur idole puisse encore ceindre une couronne où brilleraie­nt douze joyaux de pareil calibre — le précédent opus (“Songs Of No Consequenc­e”) semblait par son titre même indiquer une forme de résignatio­n, désigner une pente douce vers la retraite musicale. Ensuite, et surtout, parce que toute sa carrière se déploie ici, résumée et magnifiée. Depuis le très dylanesque “I Discovered America” en ouverture, hommage à l’une des influences les plus repérables de l’oeuvre et déclaratio­n d’amour au pays d’adoption — GP s’est installé aux Etats-Unis dans les années 80 — jusqu’à “Total Eclipse Of The Moon” où l’amoureux de la nature s’incline, non sans une pointe d’effroi sacré, devant les forces de l’univers, comme il l’avait déjà fait dans “Howlin’ Wind” et “Thunder And Rain”. Entre les deux, du Parker au sommet pour agencer les mots et les notes dans ses registres de prédilecti­on. La satire politique avec “Stick To The Plan”, mise en boîte de la politique étrangère de George Bush Jr. L’autoportra­it ironique en citoyen indifféren­t à ce qui l’entoure, animé de la seule conviction qu’il vaut mieux baisser la tête que de la perdre (“Ambiguous”). La nostalgie de l’enfance et le souvenir des parents défunts avec le déchirant “Suspension Bridge”, en écho à “Blue Horizon” (sur “Deepcut To Nowhere” en 2001). Sans oublier un aussi féroce que fraternel portrait de Peter Doherty : “England’s Latest Clown”, nouveau salut de loin à l’île natale après “Nation Of Shopkeeper­s” sur “Your Country” (2004). “J’ai fait mon boulot, je pourrais m’arrêter là”, me dit un jour GP à propos de “Don’t Tell Columbus”. Le point d’arrivée se révéla un point de départ. La tournée qui suivit attira de nouveau les foules et quelques années plus tard, Graham Parker & The Rumour se remettaien­t à la colle. C’était reparti pour 50 ans et au moins cinq autres chefs-d’oeuvre.

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