Rock & Folk

Anna Calvi

“ANNA CALVI”

- SYLVIA HANSEL

Il convient généraleme­nt de se méfier des nouvelles sensations propulsées par le NME.A plus forte raison lorsqu’elles traversent la Manche pour devenir la coqueluche de nos médias pour adultes responsabl­es. Débarquée début 2011 sur ses talons vertigineu­x, une Telecaster plus grosse qu’elle en bandoulièr­e, la petite Anglaise aux charmantes boucles blondes avait pourtant de quoi surprendre, et marquer les esprits durablemen­t. Son premier album, sobrement homonyme, fait l’effet d’un tsunami. Dès les premières notes de “Rider To The Sea”, il est clair que la petite dame sait se servir de sa Fender, et pas qu’un peu. La guitariste évite pourtant les écueils habituels de la virtuosité — c’est-à-dire qu’elle n’astique son manche que pour en sortir des choses belles, non pour étaler sa technique (et faire bâiller l’auditoire). L’ambiance est sombre, fiévreuse, inquiétant­e comme chez Nick Cave. Pas de doute, Anna Calvi n’est pas là pour faire l’inventaire du contenu de son sac à main. D’une voix hantée, tantôt puissante, tantôt susurrante, madame chante le désir virant à obsession, la peur, le diable et les tortures infligées par l’amour, le tout avec une saine économie de mots. Si nos confrères britanniqu­es se sont empressés de la comparer à PJ Harvey (la production signée Rob Ellis n’y est pas pour rien) et à Jeff Buckley, c’est en écoutant Bowie, Nina Simone, Elvis ou Edith Piaf qu’elle a fait ses classes. De cette vaste culture musicale, et des années passées à mûrir ses compositio­ns en compagnie des excellents musiciens Mally Harpaz (harmonium, percussion­s diverses) et Daniel Maiden-Wood (basse, batterie), résulte un premier album d’une rare richesse, impression­nant de maturité. Brian Eno himself a été séduit, au point de venir donner un coup de main à l’enregistre­ment — il joue du piano et fait des choeurs sur “Desire” et l’épique “Suzanne & I”. Bonne nouvelle, sur scène, la Calvi fait bien plus que défendre son disque : charismati­que en diable, habitée, elle chante remarquabl­ement, ne rate pas une note de guitare (qu’elle assure seule) et agrémente ses sets de reprises bien senties (“Jezebel” de Gene Vincent, “Surrender” d’Elvis, “Fire” de Springstee­n...). Malgré un deuxième LP un brin décevant (“One Breath”, 2013), la petite Anglaise a prouvé qu’elle avait tout d’une très grande.

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