Rock & Folk

Miles Kane

“COLOUR OF THE TRAP”

- JEAN-VIC CHAPUS

Miles Kane avait tout juste 25 ans, la gueule noiraude des héros

classe ouvrière (quoi que cela puisse encore signifier) et une sorte de nonchalanc­e spontanée qui le faisait ressembler physiqueme­nt à un mélange entre le John Lennon jeune et Jacques Dutronc. On lui doit des participat­ions sous-estimées à pas mal d’excellents disques. Il a tenu la guitare au sein des Little Flames, puis emmené en rang serré le power trio psychédéli­que The Rascals. Il a surtout co-composé l’intemporel et impeccable album de The Last Shadow Puppets, en duo avec Alex Turner des Arctic Monkeys. Bref, Miles Kane est ce que le Nord de l’Angleterre a toujours couvé amoureusem­ent à l’ombre de ses statues les plus nobles et emblématiq­ues : Echo & The Bunnymen, The Pale Fountains, The La’s, The Coral... Pas pour rien donc que son premier album respire Liverpool par tous les pores. Il y a ici tout ce qui constitue le particular­isme de cette ville : spontanéit­é, mélancolie, flambe, éléments marins... Son disque n’est pas dépourvu d’élégance. Mélodiquem­ent lustré, d’accord, mais avant tout urgent. Kane flambe tout sur un feu de joie de douze chansons. Il fait son cinéma et convie d’ailleurs la comédienne française Clémence Poésy sur un titre sensuel dans la droite lignée tout en moiteur des chansons en duo interprété­es par Lee Hazlewood et Nancy Sinatra. Il est ici question d’un rock splendide qui se débat entre l’arrogance de la jeunesse et le sentimenta­lisme des vieux sages qui ont déjà beaucoup vécu et pas mal dégusté quand il s’agit d’amour. Oui, il y a une voix entre la beauté à l’ancienne de Scott Walker et les poses de frappe des Arctic Monkeys. Dès l’ouverture, “Come Closer”, un riff prêt au combat à main nue marque le tempo. Tendu, le tempo. Sauf que cette introducti­on à “Colour Of The Trap” est trompeuse. Sur le carré d’as pop de ce disque (“Rearrange”, “My Fantasy”, “Quicksand”, “Inhaler”), le jeune homme propose une visite de tout ce que l’Angleterre compte de patrimoine mélodique. Il saisit à la gorge cet héritage sans jamais donner l’impression d’être écrasé par le poids de la tradition. Cette impression de maîtrise et de décontract­ion sonne encore plus poignante sur “Take The Night From Me” et ses arrangemen­ts Cinecitta. Dans le paysage britrock de 2011, Miles Kane remplit à merveille le rôle du singer songwriter providenti­el.

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