Rock & Folk

Arctic Monkeys

“SUCK IT AND SEE”

- BASILE FARKAS

La frontière a beau être mince entre mystère et néant, le groupe d’Alex Turner a pour lui cette précieuse qualité : il intrigue, ne dit pas clairement où il veut en venir. Déjà, au moment de leur émergence, en 2005, les quatre de Sheffield étaient un peu plus passionnan­ts que la concurrenc­e. Quand, chez les poseurs Kooks ou Razorlight on connaissai­t la fin d’une chanson avant qu’elle ait démarré, les petits singes prouvaient d’emblée leur talent créatif. Le groupe est resté concentré, au point de se retrouver aujourd’hui à la tête d’une oeuvre conséquent­e : cinq albums, tous bons, sans même compter celui des Last Shadow Puppets et les bricoles solo d’Alex Turner. Flash-back sur 2011 : l’entreprise Turner, O’Malley, Helders & Cook signe son quatrième album, le deuxième surtout de sa nouvelle vie américaine. Selon Turner lui-même, le groupe serait devenu un petit groupe indie comme les autres s’il n’avait quitté l’Angleterre. En lieu et place, le groupe a choisi de faire de la moto dans le désert, de mettre de la gomina, bref de se détendre un peu. En toute liberté, sous la houlette du producteur James Ford, les Monkeys ont développé à Los Angeles une certaine amplitude, pris de l’assurance. L’acné a disparu et Turner ronronne désormais des graves de crooner. On se remémore encore la puissance phénoménal­e libérée sur “Don’t Sit Down Cause I’ve Your Chair”, moment de bravoure des concerts du groupe depuis. Le batteur Matt Helders chante le premier single du disque, l’amusant “Brick By Brick”. Et Josh Homme (producteur du précédent “Humbug”) vient vocaliser sur “All My Own Stunts”. Le reste du disque, cependant, est volontiers plus personnel, introspect­if. Dans son appartemen­t new-yorkais, le chanteur s’est laissé aller à la mélancolie (“She’s Thundertor­ms”), au sarcasme (“Reckless Serenade”). A 25 ans, il est désormais capable de signer des chansons comme “Piledriver Waltz”, un truc grandiose qui, comme “We Can Work It Out” et “Some Velvet Morning”, alterne 4/4 et refrain en 3 temps. Ainsi parés, les flegmatiqu­es Arctic Monkeys pouvaient tranquille­ment continuer de régner dans une époque où l’Angleterre peinait quelque peu à renouvelle­r son cheptel de groupes de rock.

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