Rock & Folk

Eugene McGuinness

“THE INVITATION TO THE VOYAGE”

- BASILE FARKAS

Cet Eugene McGuinness a tout pour plaire : un prénom vieillot, un nom qui sent la bière brune, une tête de gouape gominée un peu primaire, mais aussi et surtout des chansons tuantes. Le garçon et son Epiphone Casino ont accompagné Miles Kane sur scène pendant quelques mois. Surtout, le jeune Anglais a sorti de charmantes bricoles en solo : le mini et mignon “The Early Learnings Of” (2007) puis un album homonyme en 2008. Il tentait quatre ans plus tard quelque chose d’un peu plus sérieux, un album à la production en béton, sans temps faible. L’entame, “Harlequina­de”, avait de quoi surprendre ceux qui espéraient un truc néo-rétro à la Miles Kane justement. Ici, les dix chansons frôlent parfois le racolage actif avec leurs choeurs glam et leurs rythmes parfaits pour un vendredi soir. On alpague ici l’auditoire, mais avec style. En mélangeant des basses synthétiqu­es, une boîte à rythmes au kick drum éléphantes­que, des cuivres et une guitare twang. Il faut une certaine élégance pour réussir ça sans passer pour le Mika local. Sur trente-six minutes denses, Eugene sue beaucoup. “The Invitation To The Voyage” est conçu pour faire les beaux soirs de quelque pub britanniqu­e en goguette grâce à des chansons qui se posent là pour transperce­r le brouhaha. Il est question de MDMA, de pantomime et de virée en centre-ville. Comme Kevin Rowland, Brian Eno (période avec cheveux), Panda Bear ou Fred Schneider, Eugene McGuinness est un chanteur qu’on pourrait qualifier de

différent. Ses prises de voix superposée­s créent un effet chorus troublant et sexy, au service de mélodies excellente­s. “Sugarplum” est une vraie bombe dotée d’un refrain disco, “Videogame” un grand délire synthétiqu­e, “Joshua” une pop song en montagne russe, “Shotgun” un single génial qui repique le riff du “Peter Gunn Theme” de Mancini pour un résultat tout autre. La chanson-titre, probableme­nt la plus majestueus­e du lot, part dans un crescendo fulgurant, beau comme “The Man Who Sold The World”. Le concept hybride du bon Eugene était futé en diable, mais très risqué. Le danger était d’être trop aguicheur et ouvert d’esprit pour plaire aux obtus, mais trop cultivé et bizarre pour mettre à genoux le grand public. Bingo, c’est exactement ce qu’il s’est passé. Tenace, l’Anglais a frappé de nouveau en 2014 avec le très bon “Chroma”.

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