Tame Impala
“LONERISM”
Kevin Parker est un type insaisissable. Souvent entouré d’une communauté de potes avec qui il a monté plusieurs projets psychédéliques délirants dans sa ville de Perth (dont les excellents POND), l’artiste australien éprouve cependant le besoin de s’isoler tel un ermite afin de donner vie à Tame Impala. “Innerspeaker”, il l’avait déjà conçu seul dans son home-studio et enregistré dans la réclusion d’une maison en bois perdue au bord de l’océan Pacifique. Pour “Lonerism”, Kevin Parker a encore enfanté l’album en solitaire et, en dehors de quelques interventions du claviériste Jay Watson, la seule personne à avoir réellement interféré dans la conception de l’album est Dave Fridmann qui s’est une nouvelle fois chargé du mixage. Parker a quitté les Antipodes. Sa retraite créatrice, il l’a effectuée à Paris dans un appartement où il s’est installé en 2011. Il y a rapatrié tous ses gadgets et imaginé l’essentiel de ce “Lonerism”, album qui relate l’isolation de son auteur par rapport au monde extérieur. Là où il célébrait jadis cet état de fait (“Solitude Is Bliss”), Parker semble aujourd’hui dépité face à son inaptitude sociale, comme en témoignent certains textes (“Why Won’t They Talk To Me”) et cette pochette qui montre le Jardin du Luxembourg vu derrière les barreaux de la rue Auguste Conte. Mélancolique mais pas dépressif, “Lonerism” est un album d’errance solitaire où l’auteur laisse son esprit créatif divaguer à loisir et trouve son salut dans des étrangetés électroniques à la Todd Rundgren (“Endors-Toi”) et des progressions d’accords lennoniennes (“Keep On Lying”). On se laisse happer par des mélodies d’une beauté renversante (“Apocalypse Dreams”) et des passages instrumentaux hallucinés. Le chanteur sait trouver l’équilibre parfait entre sons de synthétiseur rétro-futuristes et lignes de basse qui s’égrènent délicatement (“Feels Like We Only Go Backwards”). Quand on en viendrait à craindre que le propos ne devienne trop cosmique, Parker sait ramener tout le monde sur terre avec une scie heavy d’une efficacité redoutable (“Elephant”). “Lonerism” révélait un auteur/ compositeur/ interprète au sommet de son art, impressionnant dans la maîtrise des instruments qu’il pratique (tous !), touchant dans sa façon de chanter murmurée dans un souffle, éblouissant dans sa capacité à construire des mélodies d’un autre monde. Un magicien, une vraie étoile.