Jake Bugg
“JAKE BUGG”
Jake Bugg a dix-huit ans quand sort ce premier album inspiré par les sixties anglaises et (surtout) américaines, notamment par Johnny Cash et un Bob Dylan auquel on le compare déjà à longueur de colonnes, qu’il avoue pourtant à l’époque très mal connaître. C’est l’une des grandes vertus de Jake Bugg : il a son franc-parler et sait ce qu’il veut. On a affaire à un lad issu des classes populaires, ce qui a son importance dans un paysage rock anglais qui vit dans le souvenir glorieux d’Oasis et a fait des Arctic Monkeys ses héros : comme ces derniers, Jake Bugg vient d’une ex-grande ville industrielle, d’une des plus vastes cités HLM d’Europe, Clifton à Nottingham pour être précis, comme eux il écrit volontiers sur un quotidien morne et souvent violent (“Ballad Of Mr Jones”, apparemment fictif, “Seen It All” et sa fête pour le coup bien réelle dégénérant en bagarre au couteau). Le quatuor de Sheffield est une référence évidente, ainsi qu’Oasis, par exemple sur l’exquis “Two Fingers”. Bugg y raconte une adolescence faite d’ennui et d’intoxication sur une mélodie enchanteresse qui évoque également les Beatles, tout en adressant deux doigts bien sentis à “hier” (et donc, pour rire, au “Yesterday” des Quatre Garçons Dans Le Vent ?). La musique du jeune homme doit autant au rock américain des années 50, au blues, à la country et au folk (sur des ballades généralement très réussies). Une relecture moderne des classiques ? Pas seulement. Tout est écrit de main de maître avec Iain Archer, collaborateur entre autres de Snow Patrol. Outre une culture musicale encyclopédique, le gamin a une voix, un talent hors du commun et une ambition farouche : soit, en fait, les épaules pour devenir en solo une rock star de la stature de Noel Gallagher, avec lequel il avait déjà tourné à l’époque de ce premier album. La hype a immédiatement fondu sur lui, en 2012, cet album s’est classé n°1 des ventes en Angleterre. Pas de quoi retourner la tête du jeune homme, qui y voit essentiellement l’opportunité d’exaucer ses voeux. “Trouble Town” et “Lighning Bolt” rêvent d’évasion : ce grand fan de musique américaine décampera ensuite à Malibu pour enregistrer un deuxième album tout aussi réussi et plus électrique avec le fameux producteur de Johnny Cash, Rick Rubin (que, pour changer, il ne connaissait pas). L’avenir lui appartient, a priori.