The Growlers
“HUNG AT HEART”
2013. La Californie de Love connaît la naissance d’un album prodige. Un de ceux qui ne sont pas des best of mais qui en prennent naturellement la fonction. Une oeuvre qui marque à la fois l’apogée et la justesse : “Hung At Heart”, troisième rejeton des dénommés los Growlers. Si l’on distillait la discographie du groupe pour en obtenir l’essence, c’est cette décoction que l’on obtiendrait. Belle coïncidence : c’est dans le studio d’enregistrement baptisé The Distillery, véritable antre de l’analogique, que cette bande de mariachis des temps modernes s’est établie. Si les Growlers n’hésiteront pas ensuite à laisser carte blanche à Julian Casablancas pour leur dernier album, à cette époque-ci, ils ne juraient encore que par le DIY. La légende voudrait d’ailleurs que le groupe ait alors refusé l’aide de Dan Auerbach des Black Keys, pressenti à la production et qui voulait ôter de leur magie et de leur folie en les faisant sonner plus hi-fi, plus radio
friendly. Quenenni, le groupe a décidé d’enregistrer en live, un peu plus de 100 chansons en 10 jours et de n’en sortir que
le meilleur sur cassette. Nous ne saurons jamais comment sonnent les Growlers lorsqu’ils sont cuits à la sauce blues du Midwest, mais quelque chose nous pousse à croire que raison il y a à ce que cet album nous soit parvenu aussi cru que brut. On y découvre le beachgoth (style inventé par leurs fulgurants cerveaux) à son paroxysme. Un romantisme à la Baudelaire qui aurait un peu trop pris le soleil, aussi bien baladé par les vagues salées des playas de Tijuana que dérangé par les cris stridents des mouettes de Venice Beach. La mort, la crise identitaire, la nature... Autant de thèmes que la voix éraillée et nasillarde de Brooks Nielsen évoque toujours avec un air nostalgique. Mais ce que ce monsieur à moustache conte le mieux c’est l’Amour : de la promesse d’un amour éternel au chagrin d’un amour perdu, les ballades s’enchaînent, mais ne se ressemblent jamais. En dix-sept chansons ramassées, aussi envoûtantes que lancinantes, son compagnon Matt Taylor fait carillonner sa guitare tandis qu’à l’arrière, les synthés brillent et les choeurs s’élèvent. Le résultat, à mi-chemin entre le surf rock et la synth-pop, a tout du chamanisme. Quant aux arrangements, ils sont bariolés, à l’image du vestiaire de ces gypsys et de leurs pirouettes scéniques.