Jacco Gardner
“CABINET OF CURIOSITIES”
Convergence cosmique curieuse, depuis disons 2011 tout est reparti comme en 1967, et le cas qui nous occupe ici est sans doute le fleuron de l’affaire : une réincarnation de Brian Jones répondant au nom de Jacco Gardner, ancien membre de l’obscur duo claviers/ batterie The Skywalkers (aux obsessions sixties déjà prégnantes). Première évidence, ce jeune Batave semble le parfait rejeton d’une époque où trois clics suffisent pour emmagasiner toutes sortes de merveilles. On dénombre ainsi parmi ses obsessions des choses comme Sagittarius, The Millenium, The Beach Boys, le Nirvana britannique, The Left Banke, Montage ou les Zombies. Le petit compositeur/ producteur multiinstrumentiste qui tente ici le pari fou de s’inscrire dans cette lignée ultra-racée : “Cabinet Of Curiosities” a été ciselé dans son propre Shadow Shoppe avec, pour uniques alliés, un certain Jos Van Tol (batteur) et Jean Audier, ex-ingénieur du son des mythiques Q65. La prouesse est remarquable et le résultat ne l’est pas moins, comme on l’entend dès la fière “Clear The Air”, stupéfiante recréation de la pop orchestrale de l’âge d’or : cordes, Mellotron, clochettes, orgue Philicorda et clavecin abondent, illuminant une sorte de fantasme sonique, collision divine de Syd Barrett (pour la voix) et Curt Boettcher (pour l’écrin). Et c’est ainsi tout le long de ces douze titres foisonnants de trouvailles, portés par de bouleversantes mélodies. Les harmonies vocales de “The One Eyed King” et “Puppets Dangling”, par exemple, touchent au céleste jadis fréquenté par la fratrie Wilson. D’autres sont d’une beauté irréelle, comme “Watching The Moon” qui aligne un refrain poétique sur un improbable rythme de valse, ou encore les comptines “The Riddle” et “Chameleon”. Idem pour la chanson-titre, instrumental soyeux parsemé de rires d’enfants, qui exprime si bien la nostalgie des jours heureux. Tous ces joyaux (“Lullaby”, “Summer’s Game”) tressent les contours vaporeux d’une ode à l’enfance poignante, délicate, impressionnante surtout. Ultime illustration, “The Ballad Of Little Jane”, émouvant récit d’une éternelle vieille fille en attente du prince charmant... Voilà donc le miracle qui opère en quarante et une prodigieuses minutes : jamais ce très grand disque, mêlant étrange et sublime, ne pâlit face à ses illustres devanciers. Bienvenue au paradis.