Rock & Folk

Tame Impala

“CURRENTS”

- JOHAN DALLA BARBA

Cette enivrante sensation de glissement de terrain... Déjà en 2012, elle survenait aux oreilles des fans de “Innerspeak­er”, premier album un peu jeune, au psychédéli­sme mal dégrossi, lors de la sortie de son successeur, qui lui, contenait de vrais tubes et moins de jams onanistes. Kevin Parker, en vieil adolescent, avait soudaineme­nt jeté un oeil dehors et pris conscience du monde et surtout de son envie de lui faire du pied. Nouvelle secousse suite à la parution de “Currents”. Tout n’a pas changé, loin de là. Les trucages savants à la vraie/ fausse couleur analogique ne manquent pas : les snares, traînantes mais glorieuses, résonnent comme un breakbeat hoquetant échantillo­nné sur 12 bits ; les nappes ? Toujours soumises à un flanger quasisysté­matique, flirtant avec le faux et ce, dès “Let It Happen” et sa grandiose coda marmonnée avec aplomb ; les ouvertures/ fermetures de filtres, symbolique­s des aspiration­s électroniq­ues du one man band n’ont pas disparues non plus. Cependant, la voix fluette de l’Australien, elle, est moins en retrait. Et ses textes moins flous. On y discute trahisons (“The Less I Know The Better”, sur un riff maousse) et amours retrouvées (“New Person, Same Old Mistakes” que Rihanna reprendra en gardant l’instrument­al original). Aussi, les parties de cache-cache soniques, coutumière­s de l’auteur, se font plus rares. On distingue plus souvent qui est qui, du clavier ou de la guitare, de la batterie ou de la machine : ainsi “Getting Closer”, petit machin admirable, voit claps et snaps se succèder dans une alternance magique le temps d’un pont. Sur “Disciples”, on croit même entendre la guitare de Lindsey Buckingham répondre au lead dans un clin d’oeil assumé à “Rumours”. Et notre cochlée d’éclater comme du pop corn. Mais l’écart stylistiqu­e majeur réside en l’emploi prépondéra­nt de presets de synthés FM eighties, plus particuliè­rement ceux de l’épouvantai­l à puristes que fut le DX7. Le fantôme de Michael Jackson est même invoqué sur la plaintive “Cause I’m A Man », où Parker singe l’ad lib de “Human Nature” avec délice. “Eventually”, ode au lâcher prise et brassage indistinct d’influences d’un prétendu bon ou mauvais goût en témoigne bien : “Currents” abandonne le passé de Tame Impala pour mieux saisir le pouls de son époque. Celle d’une génération pour qui un son est un son, sans jamais valoir mieux qu’un autre et où chaque rupture est une douleur.

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