Kurt Vile
“B’LIEVE I’M GOING DOWN”
Chanteur folk qui aime l’électricité ou rocker qui raconte des histoires, Kurt Vile est un type pétri de qualités. La plus importante chez ce chevelu mélancolique étant peut-être que les albums qu’il enregistre sont systématiquement imprégnés de l’endroit d’où il vient et où il vit. Pour les plus imaginatifs de ses auditeurs, ils sont une carte postale, un voyage mental dans la grise Pennsylvanie du bonhomme. Sa neige marronnasse, ses autoroutes tristes, ses villes de losers, sa déprime au parfum working class... Kurt Vile, depuis qu’il a quitté The War On Drugs, conçoit d’ailleurs ses albums avec un savoir-faire ouvrier admirable. De son propre aveu, le but premier est pour lui de faire bouillir la marmite et de nourrir sa famille. Est-ce pour cela que “B’Lieve I’m Going Down”, son septième recueil, est aussi le plus évident et accrocheur ? Sur cet album, Vile compense un propos toujours limite dépressif par une abondance d’appâts à l’efficacité prouvée. Voilà en somme un disque de singer/ songwriter introspectif, mais qui sonne diablement bien dans les enceintes, avec ses basses amples et son instrumentarium électrique. Dès l’entame, “Pretty Pimpin” est le parfait morceau pour tracer la route, tout en finger picking mordant et paroles sardoniques. La suite est du pur Kurt Vile, savant enchevêtrement de guitares folk et amplifiées, de banjo (“I’m An Outlaw”) et de Wurlitzer dont se dégage un cool assez inimitable, celui qu’atteint Wilco dans ses meilleurs moments. On entend sur “Dust Bunnies” un rock laid-back d’un nouveau genre, le rock classique de l’ère des ordinateurs. Les lignes mélodiques apparemment frustes s’imbriquent, se répondent, évoluent subtilement. Au micro, l’homme est de la famille des conteurs distanciés, pas dupes. Sa voix a des accents nasillards dylaniens, mais évoque aussi bien souvent un grizzly qui sortirait d’une hibernation sous Lexomil. Voilà peut-être pourquoi d’ailleurs l’homme n’a pas encore réellement percé auprès du grand public. Ce barde moderne ne veut pas être Bruce Springsteen et entourloupe souvent son monde avec des morceaux vaporeux (“Stand Inside”), trop longs ou traversés de synthé cafardeux (“That’s Life...”). Kurt Vile n’en fait qu’à sa tête et c’est aussi ce qui le rend si précieux.