The Fat White Family
“SONGS FOR OUR MOTHERS”
Ils débarquent pour perpétuer cette tradition déglingos qui va des Pogues aux Happy Mondays, laissant sur son passage cadavres de bouteilles, traînées de poudre et amas de capotes. Le premier album des Londoniens, “Champagne Holocaust”, paraphrasait cette trashitude. Le nouvel album, “Songs For Our Mothers”, ne se contente pas de capitaliser : il dynamite ce cirque. C’est le disque d’une bande de mecs qui ont un peu trop forcé sur la nouba, se retrouvent en pleine descente, mais luttent coûte que coûte, malgré deux années sans sommeil, malgré une gueule de bois en chêne massif, pour que la fiesta jamais ne s’arrête. Comment ? En ralentissant et sophistiquant leur groove, en déménageant leurs répétitions du garage à une église moite et crépusculaire. L’enregistrement de l’album commence dans le studio de Sean Lennon. Le fils de Yoko doit poliment demander à la bande de crasseux d’aller continuer ailleurs — trop d’ondes négatives, sa copine mannequin, Charlotte Kemp Muhl, ne pouvant se pointer sans se faire tripoter. Les séances se poursuivent dans un bled à côté de New York (New Paltz). Les références citées par le groupe pour “Songs For Our Mothers” ? Ike & Tina Turner, la mort, Joe Meek, du psyché sous haute défonce, “Billie Jean”, Goebbels, une boule à facettes, Throbbing Gristle, du glam funk, des chansons d’amour déchirantes, Giorgio Moroder, du kraut & western... Puisqu’il s’agit d’une family, révélons les vrais liens consanguins de ce disque. Comme tonton tutélaire : Iggy. Le Pop de “Nightclubbing”, sauf qu’au lieu de se refaire une santé à Berlin avec Bowie, l’Iguane enregistrerait dans le bayou avec Allen Toussaint. Les géniteurs : The Rolling Stones, ceux de “Black And Blue”, de “Memory Motel” et “Melody”. Comme beau-père ? Can, celui de “Soon Over Babaluma”, quand tribal rime avec facial — pour la filiation germanique, le grandiose “Whitest Boy On The Beach” de la FWF convoque autant La Düsseldorf que Brian Eno. Et comme grand frère ? Baxter Dury, sachant que les vrais héritiers de papa Ian, Monsieur Sex & Drugs & Rock &
Roll, c’est la Fat White Family elle-même. Messe psyché, vaudou dépressif, liturgie funk, “Songs For Our Mothers” prend la forme d’un very good bad trip.