Rock & Folk

Night Beats HEAVENLY RECORDINGS

“WHO SOLD MY GENERATION”

- JONATHAN WITT

Il y a quelque-chose de rassurant à constater la belle ascension des Night Beats : on peut se dire que le talent et l’acharnemen­t, toujours, finissent par payer. Très tôt, la haute tenue de ce trio d’ombrageux Texans exilés à Seattle semblait acquise. Il y avait eu ce premier opus chez Trouble In Mind, qui consacrait de teigneux disciples des 13th Floor Elevators. On y découvrait deux amis d’enfance : un guitariste pistolero d’exception, Danny Lee Blackwell, au style âpre, frétillant, doublé d’une technique prodigieus­e, ainsi que l’explosif batteur James Traeger. Mais alors qu’une certaine scène psychédéli­que décollait un peu partout, ils accumulaie­nt d’harassante­s tournées dans la dèche, au point d’entraîner le départ du bassiste Tarek Wegner. C’est alors que la fortune a tourné. Le désormais duo a décampé pour Echo Park, nouveau repaire des bohèmes de Los Angeles, pour s’acoquiner avec le producteur canadien Nic Jodoin. Le résultat est ce “Who Sold My Generation”, album de la mue qui pourrait représente­r ce que “Attack & Release” fut aux Black Keys : une ouverture possible vers un succès de masse. Ici, les Night Beats trouvent à la fois un son et une voix. Cette dernière est celle, clairement politisée, de Danny Lee Blackwell. L’ouverture est ainsi un appel, sorte de talking-blues sur fond de rythmique kraut lancinante qui s’adresse aux

“fils d’une génération vendue”. Ayant pour projet de réveiller les conscience­s engourdies par les médias dominants, Danny ne donne pas de réponses toutes faites, mais critique ouvertemen­t les derniers dérapages commis par les flics aux Etats-Unis sur la frénétique “No Cops”. Le son, c’est ce groove souple, sensuel et métronomiq­ue. Il confère un matelas moelleux aux fabuleuses “Sunday Morning” et “Burn To Breath”. Le reste est d’une redoutable homogénéit­é, les Night Beats faisant mouche presque à chaque fois. En guise de conclusion, nos rudes gaillards lâchent des années de frustratio­n sur un rave-up dantesque bâti sur un motif oriental, “Egypt Berry”, impression­nante démonstrat­ion de force qui clôt désormais leurs concerts. “Who Sold My Generation” marque l’éclosion d’un grand groupe américain : cultivé, intelligen­t, habile, son admirable opiniâtret­é lui a donné une vraie consistanc­e.

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