La Femme
“MYSTERE”
Une liste non exhaustive des critiques adressées aux jeunes gens du groupe La Femme, au moment de la sortie de leur deuxième album, rentrée 2016 : ils ne savent pas vraiment jouer de leurs instruments. Ils chantent comme des pommes de terre. Leur sens de la syntaxe et de l’accord du participe passé feraient même rougir Franck Ribéry... Ces reproches, somme toute assez peu nuancés, unissaient pour une fois Paris et province, lecteurs ronchons et estimés collègues... Pourquoi tel énervement, plus féroce encore que celui essuyé par Fauve ou les Plastiscines en leur temps ? Il est pourtant question de musique ici, et d’un groupe qui, dès son apparition en 2010, a la bonne idée d’éviter deux fléaux du rock gaulois : il ne ressemble pas à Noir Désir ou Louise Attaque, mais ne chante pas non plus dans l’anglais vain de ceux qui veulent à tout prix éviter de sonner comme ces derniers. A la place, ces garçons et filles venus de Biarritz, Paris ou de Bretagne tentent de créer de belles choses, un rock un peu sixties, un peu synthétique, traversé de nappes planantes et de guitares twang. Les paroles, rédigées dans un français naïf et mélancolique, perpétuent la tradition pop chic de Françoise Hardy ou Elli Et Jacno. Trois ans après un premier album bon mais trop long, arrive cet objet à la pochette foufounesque (signée Liberatore), imparfait, mais possédant tant de qualités introuvables ailleurs. Des chansons, notamment. “Mystère” démarre sur “Sphinx”, un dédale électronique où la voix de Clémence Quélennec sert de guide. Beaucoup de choses remarquables ensuite : “Septembre” et sa mélodie tout sucre, “Le Vide Est Ton Nouveau Prénom”, un essai sur l’oubli amoureux, fort poignant dès lors qu’on oublie les maladresses de langage (“J’en serai
indifférente”, hum). On suppose que les titres chantés par les mâles du groupe (les deux leaders Marlon Got et Sacha Got) sont ceux qui ont excité la moquerie, avec leur côté Isabelle A les Yeux Bleus, indéniable à l’écoute du très indochinois “Où Va Le Monde”. Pas grave, ce disque où les voix de filles dominent a d’autres splendeurs à offrir : “Exorciseur”, “Al Warda” ou “Le Chemin”. Des chansons qui resteront, contrairement aux vaines querelles picrocholines.