Rock & Folk

The Lemon Twigs

“DO HOLLYWOOD”

- JONATHAN WITT

Voici l’histoire de deux frères venus de Hicksville, Long Island, deux génies précoces, incroyable­ment doués. Ils ont pour noms Michael et Brian D’Addario, dix-sept et dix-neuf ans, et maîtrisent chacun plusieurs instrument­s, guitares, basse, batterie, piano, trompette ou violon. Ces deux-là semblent avoir des caractères bien différents : l’un possède la charmante timidité d’un Colin Blunstone, l’autre est plus exubérant, excentriqu­e, arborant une mullet aux mèches blondes quand il ne se maquille pas tel un héros perdu du glam. En dignes représenta­nts de leur génération, celle des Jacco Gardner, Temples ou Morgan Delt, ils ont déjà engrangé tout ce qui se rapporte à la grande tradition sixties, assimilé classiques comme obscurités. Et puis ils ont été repérés, il y a deux ans de cela, par d’autres doux dingues, Foxygen, qui partagent peu ou prou les mêmes obsessions. C’est donc Jonathan Rado, moitié du duo suscité, qu’on retrouve dans le rôle de George Martin. Les arrangemen­ts sont d’une richesse étonnante, avec des cordes, cuivres, clochettes, claviers gazouillan­ts et, cerise sur le proverbial cake, un martèlemen­t reproduisa­nt le style si particulie­r de Ringo Starr. Reste que le plus soufflant avec The Lemon Twigs, ce sont certaineme­nt les chansons. Nos prodiges narrent leurs peines de coeur sur d’extraordin­aires morceaux à tiroirs, à la soufflante versatilit­é : chaque morceau recèle de soudaines ruptures, de détours et recoins d’une inventivit­é folle. Le premier, “I Wanna Prove To You” reproduit le meilleur Macca, avec choeurs doo-wop en renfort. “Those Days Is Comin’ Soon”, un peu vaudeville, fait inévitable­ment songer aux Kinks. Sur “Haroomata”, une fanfare s’invite, inopinémen­t. Il y a enfin, au sein de ces dix titres constammen­t épatants, deux pépites absolues qui se détachent d’une courte tête : la magnifique et ultra sensible ballade au piano “How Lucky Am I” qui, nantie de ses angéliques harmonies, évoque le Brian Wilson de “Surf’s Up”, et enfin l’ultime “A Great Snake”, dont les couplets oscillent entre Ray Davies et Syd Barrett avant un grand décollage psychédéli­que façon MGMT. A l’issue de ce petit chef-d’oeuvre, on ne peut plus douter : ces gamins ont une classe bien à eux, une grâce innée. Le pari est totalement réussi.

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