Rock & Folk

Mattiel

“MATTIEL”

- JONATHAN WITT

Cette brune demoiselle au visage anguleux se fait connaître sous le nom de Mattiel Brown. Par la grâce d’une enfance solitaire dans la ruralité de l’Etat de Géorgie, elle a logiquemen­t développé un certain attrait pour la nature, les équidés, mais aussi la peinture et la musique, piochant dans la collection maternelle pour se forger un goût éclectique, avec par exemple les Monkees, Peter, Paul & Mary ou Donovan. Illustratr­ice, photograph­e et designer à Atlanta, Mattiel s’est liée à deux musiciens d’élite, obsédés par l’école Stax/ Motown : Jonah Swilley et Randy Michael. Ce trio a eu besoin de neuf mois pour enfanter un premier opus proprement stupéfiant. Mattiel y esquisse des vignettes comme autant d’instants de vie. Dans des chansons parfois bouleversa­ntes, elle conte ses déboires avec des hommes trop volages, s’inquiète du sort d’un petit frère imaginaire ou narre le destin à la fois triste et commun d’une vieille dame toujours vêtue de gris, en faisant mouche à chaque fois. Le plus impression­nant est sans doute la voix : cristallin­e, d’une expressivi­té dingue et dotée d’un vibrato désarmant, elle ferait presque songer à une Amy Winehouse biberonnée à la country plutôt qu’au R&B (et aux spiritueux). Ce don céleste illumine des titres ciselés en compagnie d’un groupe imaginatif et concis, comme un Wrecking Crew d’aujourd’hui, et qui démontrent une autre qualité : une culture affolante, qui lui permet d’aborder tous les styles avec maestria. Les excellents “Whites Of Their Eyes” et “Baby Brother” explorent une veine western. “Cass Tech” est une pépite folk dépouillée et déchirante. “Fives And Tens”, un blues râpeux, orageux. La joyeuse “Bye Bye” renoue avec la simplicité fifties lumineuse d’un Buddy Holly quand les complainte­s soul “Count Your Blessings” et “Just A Name” font vrombir les cuivres. Dans cet ensemble finalement cohérent, le titre le plus étonnant est probableme­nt “Send It On Over”, dont le refrain ferait frissonner le plus endurci des cow-boys... Enfin, “Ready To Think” montre une Mattiel prête à en découdre à nouveau avec la vie, après maintes désillusio­ns. C’est la conclusion pimpante et positive d’un disque d’une classe inouïe, à la fois vintage et moderne. Les premières armes d’une artiste que l’on pressent totale, capable de tout amalgamer avec une insolente réussite, et d’y imposer sa marque puissante.

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