Wall Of Voodoo
“CALL OF THE WEST” IRS
A l’époque, la légende voulait qu’avant d’être un groupe, Wall Of Voodoo fût une société spécialisée en bruitage et autres effets sonores bizarres pour films d’horreur ringards et fauchés. Vraisemblablement fausse et inventée par les intéressés eux-mêmes, cette histoire montre pourtant bien à quel point la musique de cet iconoclaste combo est affaire d’ambiance. Ce “Call Of The West” intemporel en est la plus parfaite démonstration. Tout ici semble avoir été conçu, entre chien et loup, sur une “Interstate” déserte traversant la Vallée de la Mort. Mieux vaut ne pas tomber en panne d’essence dans un décor pareil. Des guitares sortent de nulle part, les rythmes synthétiques résonnent comme si les machines avaient soudain pris vie un soir de Halloween. Un harmonica hurle subitement à la mort tandis que Stan Ridgway imperturbable raconte plus qu’il ne chante ses histoires de losers pathétiques. Equivalent musical d’un Jim Thompson, James Cain ou Chester Himes, Ridgway, l’âme du groupe, compose chaque morceau comme il écrirait une nouvelle. Ses personnages de série B s’agitent dans un monde qui les dépasse. Le velléitaire patenté de “Tomorrow” remet sans cesse à demain ce qu’il est incapable de faire aujourd’hui, et ainsi de suite. L’ouvrier robotisé d’une “Factory” inhumaine vit sa vie à la chaîne sans bien comprendre le pourquoi d’une existence robotisée pendant que Ridgway, goguenard, cherche sur la bande FM de sa Chevrolet déglinguée l’émission inaudible d’une “Mexican Radio” joyeusement incompréhensible, qui sera pourtant son seul tube underground. Mais le plus beau de cet album est certainement “Lost Weekend”, titre dans lequel Ridgway chante l’odyssée navrante d’un couple de commerçants entre deux âges qui rentrent lessivés d’un dimanche à Las Vegas, les mains noircies par les pièces qu’ils ont perdues. Monstre d’ironie, Ridgway n’est jamais meilleur que lorsqu’il se laisse aller à l’évocation mélancolique de ces vies de misère. En fond sonore, la mélodie répétitive avance droit devant elle, comme anesthésiée par le malheur ordinaire de ces deux héros. Elle suit le “Call Of The West”, la boîte à rythmes se fait serpent à sonnette et, là-bas, derrière les collines de guitares, on jurerait entendre un coyote qui hurle à la mort. Mieux vaut décidément ne pas trop traîner dans le coin.