Rock & Folk

REM

- STAN CUESTA

“MURMUR” IRS

Notre route n’a croisé que deux fois celle de REM. La première fois, à l’Eldorado en 1984, un an après la sortie de ce premier album (que nous n’avions pas écouté), nous étions totalement passé à côté. Partis avant la fin, lassés de l’expression­nisme hurlant de ce chanteur et de son groupe bordélique, nous les assimilion­s à de nouveaux Smiths, rois de l’ennui pour certains, sauveurs des eighties pour d’autres, avec leurs guitares évoquant des Byrds approximat­ifs. Nous nous étions trompé, on s’en aperçut quelques années plus tard en découvrant “Green”, “Out Of Time” et le merveilleu­x “Automatic For The People”. Mais il nous fallut onze ans, et le concert de Melbourne 1995, pour redécouvri­r ce “Murmur”. Comme s’il venait de sortir, comme une nouveauté. Et le test, généraleme­nt impitoyabl­e, s’avéra révélation. Pas de nostalgie ici, donc : cet album est excellent, même aujourd’hui. Et gageons qu’il le sera encore dans dix ou vingt ans. Vive le temps qui passe, il nous délivre des Matt Bianco (au hasard) et fait remonter les vraies perles à la surface. Production sobre, guitares simples et lumineuses de Peter Buck, section rythmique minimalist­e de Mike Mills et Bill Berry, voix hantée et prenante de Michael Stipe, et titres tous réussis, particuliè­rement “Radio Free Europe”, “Talking About The Passion” et “Perfect Circle”, rappelant vaguement les Doors. “Murmur” a l’étoffe des disques de chevet, discrets, intimistes, mais indispensa­bles. REM est un groupe exemplaire, uni (refusant de remplacer Bill Berry lors de la tournée “Monster”), simple (on peut réellement les rencontrer dans la rue ou dans un bar, chez eux, à Athens, et ils ne s’enfuient pas), intelligem­ment engagé (dans des luttes environnem­entales, à échelle locale), inspiré avec constance (pas de mauvais albums, plusieurs chefs-d’oeuvre, tous différents) sans être gâtés par la réussite (ils se sont améliorés avec l’âge, phénomène très rare dans le rock). En bonus sur ce CD, quatre titres, dont une reprise live et non produite de “There She Goes Again” du Velvet Undergroun­d. Ah, s’ils avaient commencé par là, si on avait su... On aurait gagné onze ans. Mais le temps n’a pas d’importance, il n’entame pas la beauté de ce disque.

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