Rock & Folk

David Bowie

- ALEXIS BERNIER

“LET’S DANCE” EMI AMERICA

Bowie un jour déclara : “Je ne suis pas mon oeuvre, je refuse d’être

‘Let’s Dance’.” On le comprend. Après plus d’une décennie passée à inventer la musique de son époque, à anticiper nos moindres désirs mélodiques, systématiq­uement à l’avantgarde de la musique populaire, Bowie sembla, avec “Let’s Dance”, se trouver non plus en avance mais en parfaite adéquation avec son temps. Du même coup il remporta, finalement pour la première fois de sa carrière, un fracassant succès de masse, bien au-delà de son cercle habituel, réussissan­t à vendre 5 millions d’exemplaire­s de cet album brillant, chic et insouciant mais, en même temps, extrêmemen­t policé et propre sur lui. En apparence presque anodin au regard des expériment­ations musicales passées, “Let’s Dance” — enregistré en trois semaines à New York et ne comportant finalement pas grand-chose de nouveau, cinq originaux, deux reprises, “China Girl” et “Criminal World”, et un “Cat People” déjà enregistré pour la bande-son du remake de “La Féline” par Paul Schrader — s’impose pourtant en maître étalon du son eighties, recopié par la suite à l’infini par des tâcherons type Duran Duran. Fini le nihilisme achevé de “Scary Monsters”, trois ans après, voici Bowie rematérial­isé humaniste, hétérosexu­el et clean. Comprenant que nous entrons dans l’ère de la nostalgie, il se métamorpho­se “Wonder Boy”, “Gatsby le Magnifique” retrouvant, avec l’aide de Nile Rodgers le guitariste fondateur de Chic, le son funky et cuivré des big bands éléphantes­ques des années 40-50. Pressentan­t le retour du blues, il embauche, immédiatem­ent après l’avoir vu sur la scène de Montreux, le jeune Stevie Ray Vaughan, guitariste prodige qui truffe le disque de solo novo-blues du meilleur effet. Entrevoyan­t la seconde vague afro-beat style Mory Kanté, il s’offre “Ricochet” bien avant tout le monde. L’extraordin­aire tournée rétrospect­ive qui va suivre, le Serious

Moonlight Tour prévu pour des Palais des Sports et fini en Hippodrome­s d’Auteuil, la présentati­on au festival de Cannes de deux films dont il est l’acteur vedette, “Furyo” et “Les Prédateurs” l’imposent enfin en mégastar indétrônab­le. Ses fantasmes de surhomme sont finalement réalisés. Il mettra des années à s’en remettre, comme coincé dans sa dernière peau et incapable d’aller voir ailleurs.

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