Rock & Folk

The Pale Fountains

- BENOIT SABATIER

“PACIFIC STREET” VIRGIN

Ils sont fous chez Virgin. Le label met, en 1982, un délirant paquet de billets sur la table pour signer The Pale Fountains : 150 000 Livres ! Car Richard Branson a vu en eux le futur du rock — sur la seule foi d’un single miraculeux, “(There’s Always) Something On My Mind” (Neil Sedaka susurrant du Kid Creole dans une maison de retraite délabrée) avec, en face B, “Just A Girl”, une merveille. Virgin y croit. Il y a un évident potentiel mainstream dans la musique des Liverpuldi­ens, un côté Paul

Simon jouedu Wham!, mais en pratique, ce sera une autre paire de manches — le leader Michael Head est bien trop autodestru­cteur. L’autre problème étant celui de l’anachronis­me : les Pale Fountains auraient pu prendre les charts d’assaut du temps de The Free Design, mais dans une époque qui célèbre Bonnie Tyler ? Ils sont fous chez Virgin. Le groupe empoche les 150 000 et va tout claquer en drogues. Deux albums plus tard, faute de hits, Virgin lourde les Pale Fountains, qui se séparent, laissant une ardoise de 750 000 Livres à Branson. L’enregistre­ment de “Pacific Street” s’est étalé sur plus d’un an, Michael Head ne laissant rien passer. Sa croisade : faire comprendre aux technicien­s qu’il ne veut pas du son du moment, celui de Frankie Goes To Hollywood ; diriger, à 21 ans, et alors qu’il n’a jamais étudié la musique, un orchestre de trente musiciens ; imposer de la trompette partout, des guitares acoustique­s, de la flûte, des touches de bossa nova, des harmonies et arpèges rétro, tout ça sans tomber dans le kitsch. Cinq producteur­s se relaient à la console, jetant l’éponge à tour de rôle. Michael Head prend tout en main pour édifier une oeuvre qu’il exige au niveau de ses héros sixties. La pop exaltée et surannée de “Pacific Street” (opter pour l’édition CD, celle avec les premiers singles, “Just a Girl”, “Palm Of My Hand” et “Thank You”, des sommets) pourrait renvoyer à certains contempora­ins des Pale Foutains (Orange Juice, Style Council, Woodentops, Prefab Sprout) si elle n’était façonnée à l’ancienne, façon Burt Bacharach ou Stephen Sondheim. Dix ans plus tard, Michael Head accompagne­ra sur scène son idole Arthur Lee. Il a représenté le futur, alors que les Pale Fountains idéalisaie­nt le passé, un temps où la pop incarnait l’usine à rêve.

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