Rock & Folk

Echo & The Bunnymen

- BENOIT SABATIER

“OCEAN RAIN” KOROVA

L’after-punk a assez duré : 1984, retour de bâton. Tous les groupes cold wave font maintenant figure de ringards. Ian Curtis est enterré depuis quatre ans : ceux qui n’arrivent pas à passer à autre chose creusent leur propre tombe. Si Joy Division était le Velvet Undergroun­d du post-punk, Echo & The Bunnymen en serait les Doors. Leur premier album, l’acéré “Crocodiles”, sort la même année que “Boy” (U2) et “Empires And Dance” (Simple Minds), et on n’est pas si loin de ces deux disques — à la croisée de l’héroïque et du froid. Les

hommes-lapins vont-ils se vautrer dans la grandiloqu­ence et l’humanitair­e ? Non : “Heaven Up Here” (1981) monte d’un cran. Encore meilleur : “Porcupine” (1983), dramatique, ambitieux, une sorte de fusion des Stranglers et de Killing Joke, psyché et plombé. Un début de parcours remarquabl­e : les Liverpuldi­ens n’ont fait que progresser. Et nous voilà en 1984 : à la casse, au revoir et merci ? Au contraire : l’heure a sonné pour leur chef-d’oeuvre, “Ocean Rain”. Plutôt que ressasser le passé, les Bunnymen lâchent Joy Division et s’adaptent au présent — en clair : moins de post-punk, plus de jangle pop. Un ajustement où le groupe garde son identité, une musique grandiose et ténébreuse, toujours pleine de panache. Le crooner Ian McCulloch aime Scott Walker, et cela s’entend dans cet album épique. Le virage vient du choix de l’instrument­ation. Les guitares acoustique­s apportent la touche romantique, alors qu’un orchestre de 35 musiciens produit un effet baroque saisissant. Et si l’ensemble sonne plus pop, c’est pour une raison toute simple : les mélodies sont plus puissantes — “The Killing Moon”, “Nocturnal Me”, “Seven Seas”, “Silver” et “Ocean Rain” en tête. Côté influences, il y a toujours les Doors (“Thorn Of Crowns”), mais aussi Love (“A House Is Not A Motel” sert de modèle à “My Kingdom”) et Bowie (“The Killing Moon” détourne les accords de “Space Oddity”), pour un résultat inédit, entre pop baroque et chanson gothique, qui luimême inspirera de nombreux artistes — Nick Cave n’étant pas le dernier concerné. “Ocean Rain” fut présenté comme “leplusgran­d album jamais

composé” par McCulloch lui-même. Le petit prétentieu­x n’était pas totalement à côté de la plaque.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France