Rock & Folk

Tina Turner

- ERIC DECAUX

“PRIVATE DANCER” CAPITOL

Au début des années 80, on ne donnait pas cher de Tina Turner qui semblait avoir réuni tous les atouts pour se glisser dans ses habits neufs de star déchue. Si sa séparation avec son dingue de mari d’Ike avait été salvatrice et nécessaire sur le plan personnel, elle semblait lui être d’autant plus fatale au niveau artistique que son ex, n’ayant pas digéré son émancipati­on, n’avait aucune raison de lui rendre la vie plus facile. Evidemment dans ce genre d’histoire dont raffolent les Américains, il fallait bien qu’il y ait une bonne âme ou plus simplement un producteur (John S Carter) qui ait de l’oreille, du flair, en gros qui sache faire son métier et qui, malgré les réticences de Capitol, réussisse à la faire signer par le label. Au départ, rien de mirobolant, à peine un single, une reprise de “Let’s Stay Together” co-produite tout de même par Martyn Ware de Heaven 17 et qui, de manière subtile, va replacer l’ex-star à la voix si singulière dans l’air du temps. Le titre est bien accueilli. Carter pousse son avantage, décide Capitol pour l’album, sent qu’il ne va pas falloir se rater et sort la grosse artillerie. Tout d’abord les reprises avec un “I Can’t Stand The Rain” qui semble davantage là pour assurer le fond de commerce au cas où les singles aient du mal à accrocher les premières places, “1984” de David Bowie labellisé lui aussi à la sauce Heaven 17, l’incroyable version de “Help !”, la chanson de LennonMcCa­rtney métamorpho­sée, presque transcendé­e par les Crusaders, ou encore “Steel Claw” de Paul Brady avec une Tina ressuscité­e, survoltée. Et puis, il y a quelques power hits comme “What’s Love Got To Do With It” qui, en quelques semaines, va imposer le retour de la lionne sur toutes les radios de la planète, et “Private Dancer” de Mark Knopfler mais non produit par son auteur et qui du coup sonne à des années-lumière du Dire Straits de l’époque. Une sorte de patchwork de reconquête qui ratisse large et qui va fonctionne­r bien au-delà de toute espérance. Ecoulé par millions, ce “Private Dancer” va réinstalle­r la chanteuse au sommet, position qu’elle ne va plus quitter, des années durant, enchaînant succès de vente et tournées à guichets fermés, bien loin de l’épopée chaotique qu’elle avait dû subir à l’époque de son duo de légende.

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