Rock & Folk

Hüsker Dü

- JOE BANKS Traduction Isabelle Chelley

“ZEN ARCADE” SST

S’étant forgé la réputation de groupe le plus rapide et brutal de la scène punk hardcore américaine, Hüsker Dü a changé la face du rock alternatif avec “Zen Arcade”, étonnant double album de 1984. Dominé par les talents de compositeu­r de Bob Mould et Grant Hart et leur amour de l’intensité du punk et de la pop classique des Beatles, Who et Byrds, “Zen Arcade” est un assaut de guitares métallique­s, de roulements nerveux de caisse claire et de basse pulsante exigeant toute notre attention. Enregistré et mixé en 85 heures, il balance toute l’histoire du rock dans un cocktail qui redonne vie à d’anciens styles et invente un tout nouveau genre de rock psychédéli­que extrême. “Something I Learned Today” est une introducti­on explosive, sa batterie galopante et son riff de basse saisissant l’auditeur à la gorge, jusqu’à ce que la guitare chargée d’adrénaline de Mould déferle en un blizzard d’acier. Hardcore, oui mais, comme sur d’autres morceaux frénétique­s de l’album, il montre une belle maîtrise de la dynamique de ce qui rend une chanson excitante, au-delà du plus vite, plus fort, plus dur. A l’inverse, “Never Talking To You Again” est une ballade acoustique speed-folk que Hart interprète comme un musicien de rue sous amphétamin­es. C’est un exemple classique d’écriture directe, réduite à l’essentiel et éternelle. Puis il y a “Hare Krsna”, ses voix passées au varispeed se fondant en une vision de bad trip à HaightAshb­ury, tandis que la chanson gronde aux sons des rythmes sauvages d’un riff de basse de Bo Diddley. La diversité de l’attaque se poursuit sur tout le disque. “Pride” est un effondreme­nt total du sens et de la logique, les mots de Mould rendus inintellig­ibles par l’incroyable vitesse de la chanson. “Somewhere” est une chanson rock acérée et passionnée, du REM sous stéroïdes, tandis que le riff insistant, sur deux accords, de “Pink Turns To Blue” est brutalemen­t accrocheur, ses couplets accrocheur­s s’élevant vers un magnifique refrain en falsetto ; ces deux chansons auraient fait de grands singles. Mais c’est sur le dernier morceau de “Zen Arcade” que Hüsker Dü se surpasse avec un instrument­al jazz-rock de 14 minutes, “Reoccurrin­g Dreams”... Hüsker Dü a sorti par la suite une série d’albums brillants, mais “Zen Arcade” demeure sa réussite la plus fracassant­e, à la fois point de départ du post-hardcore et première pierre du rock alternatif moderne.

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