Rock & Folk

Chris Isaak

- STAN CUESTA

“SILVERTONE” WARNER BROS

Ce mec a glissé dans une faille spatiotemp­orelle et il n’en est jamais ressorti. Tronche d’Elvis Presley tendance Je suis beau mais ce n’est pas marrant tous les jours, parce que les filles, on dirait qu’elles finissent toutes par me plaquer, alors je boude, voix

d’Elvis Presley tendance Je croone avec ma voix de mâle mais, au fond de moi, je pleure car je suis fragile, c’est aussi ça un homme, son d’Elvis Presley tendance Depuis Scotty Moore, je n’ai pas entendu beaucoup de bonnes guitares — en quelle année sommes-nous, déjà ? Apparu avec ce premier album au milieu du désert (comprendre les années 80) comme un ovni rock’n’roll, Chris Isaak accrochera l’oreille avec ce “Dancin’ ” parfait. Comment ne pas se remémorer son clip vaguement flou en noir et blanc granuleux où il interpréta­it sa chanson en smoking blanc, l’air ailleurs ? Quoi qu’il arrive, Chris Isaak était ailleurs (“J’ai l’air de m’ennuyer comme ça mais, en fait,

c’est parce que je m’ennuie”). Le son est incroyable, avec ces guitares millésimée­s — l’excellent James Calvin Wilsey, pas qu’un peu responsabl­e du succès de Chris — rockabilly avec écho à donf, batterie et basse à la rafraîchis­sante discrétion (à l’époque des caisses claires en acier trempé) et parfois un petit jeter de claviers. Là-dessus la voix de l’angelot se pose comme dans un rêve. Produit de main de maître par Erik Jacobsen, un individu qu’il fallait dénicher (genre ex-folkeux pote de Dylan au début des sixties), “Silvertone” contient quelques merveilles comme “Back On Your Side”, lorgnant parfois vers une nonchalanc­e à la Tony Joe White. Il est également beaucoup plus rugueux et brut de décoffrage que les livraisons futures de Chris, telles le deuxième album et son mini-carton “Blue Hotel”, ou le twinpeaksi­en “Wicked Games”. Aujourd’hui encore, l’homme continue de sortir régulièrem­ent le même album en affirmant plein de bonne foi que “Non mais vous allez voir, celui-ci est différent, la preuve, il parle d’une

autre fille”. Rien à craindre : tant que les filles quitteront Chris Isaak, on aura nos albums. Et tant que les filles continuero­nt de nous quitter, on continuera d’écouter. Toutes les citations contenues dans cette chronique sont fausses et inventées à mesure, cela dit pour ne pas qu’on ait de procès, allez savoir, avec ces gens d’aujourd’hui.

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