Rock & Folk

Stevie Ray Vaughan

- BERTRAND BOUARD

“COULDN’T STAND THE WEATHER” EPIC

En ce début des années 80, le blues vit des heures sombres. Ses héros tombent (Lightnin’ Hopkins, Muddy Waters), ses adeptes, hégémonie des synthétise­urs oblige, retournent à la clandestin­ité. Début 1983, un Texan de 29 ans rallume pourtant la flamme. Le premier album de Stevie Ray Vaughan And Double Trouble — Tommy Shannon (basse), Chris Layton (batterie) — “Texas Flood”, s’écoule à un demi-million d’exemplaire­s, boosté par la présence du leader aux côtés d’un David Bowie admiratif (“Let’s Dance”). Avec la supervisio­n du légendaire producteur John Hammond, SRV et ses acolytes entrent en studio à New York en janvier 1984. Est-ce pour s’assurer de ne pas rater le coche avec l’histoire ? Le trio couche une foultitude de morceaux, dont une bonne partie atterrira sur ses albums ultérieurs (la réédition 2010 en réintègre onze !). SRV commence par conforter son rôle de blues revival à lui tout seul : “Cold Shot”, shuffle menaçant et cool, cartonne sur les radios et MTV. “Scuttle Buttin’ ”, qui va laisser pantois quelques contingent­s de guitariste­s, “Honey Bee” ou le majestueux slow blues “Tin Pan Alley” sont une même réaffirmat­ion de la vitalité du blues et de sa viabilité commercial­e — les maisons de disques en prennent note, qui recommence­ront bientôt à signer bluesmen noirs et blues rockers blancs, de Buddy Guy à Johnny Winter en passant par les Allman Brothers. Ceci posé, Vaughan peut passer à autre chose. Une compositio­n portée par un riff funky dévastateu­r (“Couldn’t Stand The Weather”), un instrument­al soul-jazz (“Stang’s Swang”). Et, surtout, “Voodoo Chile (Slight Return)” de Jimi Hendrix. Vaughan a longuement hésité, redouté le procès en sacrilège et les foudres des puristes blues. Il livre au final une version habitée, qui chevauche les mêmes crêtes hérissées que celle de son aîné, mais ajoute son groove à lui, sensuel, volcanique, et montre à quelle lignée royale de la sixcordes le relier (sa version de “Little Wing”, instrument­ale et bouleversa­nte, date aussi de ces séances). SRV, malheureus­ement, sera une étoile filante, carbonisée dans un accident d’hélicoptèr­e en 1990. Qu’avait-t-il donc de plus ? Son extrême dextérité, sûr, un flot d’histoires sorties de sa Stratocast­er qui semblait ne jamais se tarir, également. Mais surtout, une âme immense qui imbibait chacune de ses notes. A cette aune, sa disparitio­n n’a jamais vraiment été comblée.

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