Etienne Daho
“POP SATORI” VIRGIN
“La Notte La Notte”, son deuxième album sorti en 1984, lui a ouvert les portes du succès. Avec élégance, il s’y engouffre alors sans (trop) se faire prier avant d’enfoncer le clou l’année suivante le temps de “Tombé Pour La France”, un “jerk
électronique” qui devient vite un hymne à l’insouciance. Mais il ne change pas ses habitudes pour autant. Avant d’être artiste, Etienne Daho est un mélomane obsessionnel. Fidèle comme rarement (le Velvet Underground, les Beach Boys, Hardy, Gainsbourg, les Toys...), il reste un passionné avide de nouveaux frissons. Il s’amourache ainsi de “Wish Thing”, disque electro des mystérieux Torch Song, dirigés par le dénommé William Orbit — qui n’a pas encore vu la Madonna. Il veut cet homme à la production d’un troisième album déterminant et part à Londres pour débuter l’enregistrement comme dans un rêve, en témoigne la beauté mélancolique de “Paris, Le Flore”, version française d’une des plus belles chansons du monde — “Love At First Sight” de The Gist, projet des frères Moxham, ex-Young Marble Giants. Mais un manager véreux et un label avare rompent l’enchantement. Qu’importe. Daho emmène dans ses valises Rico Conning (ingénieur du son de Torch Song), retrouve les bords de Seine, resserre la garde (l’omniprésent Arnold Turboust) et achève un disque qui ressemble à ce qu’il imaginait :
“Un ovni sans équivalent.” “Pop Satori” annonce la couleur dès son titre inspiré du roman de Jack Kerouac, “Satori A Paris”, qui résonne comme un manifeste : “Satori, en japonais, ça veut dire flash, illumination, moment intense de bien-être.” En équilibre parfait entre sa passion pour les sixties et ses penchants électroniques, Daho imagine des mélodies désinvoltes sur fond de ritournelles synthétiques, à l’instar d’ “Epaule Tattoo”. En bonne compagnie — l’égérie Elli est là — il badine (“Pop Egérie O”, “Pari A L’Hôtel”), écume les nuits et célèbre Paris. Mais s’il croque la vie à pleines dents, il porte toujours beau le romantisme et rêve d’un “Duel Au Soleil” homérique, ballade inusable offerte par l’ami Jérôme Soligny. Ponctué par une reprise discrète de Syd Barrett (“Late Nite”), “Pop Satori” est ainsi un disque affranchi et audacieux, l’oeuvre qui va offrir à son auteur “une liberté artistique” absolue en se métamorphosant en aller simple vers une popularité démesurée. Mais tellement méritée.