The Smiths
“THE QUEEN IS DEAD” ROUGH TRADE
En 1986, les Smiths ont déjà secoué la Grande-Bretagne. “The Queen Is Dead” est le troisième véritable album des Smiths — “Hatful Of Hollow”, réalisé en novembre 1984, n’était qu’une compilation un rien bâtarde — et s’avère très attendu. Car le quatuor symbolise alors l’alternative, la formation que tout adolescent branché ne pense qu’à chérir : il est le groupe (avec ses références littéraires, cinématographiques — Alain Delon orne la pochette intérieure — ses prises de positions sociales ou politiques) parfait pour devenir le compagnon des nuits d’insomnie de l’étudiant solitaire qui a érigé le mal de vivre en étendard. Dès l’intro, le morceau-titre de cet album charnière surprend, pour cette violence contenue, cette hargne vindicative, aussi bien dans son propos musical que son propos textuel. Et si “The Queen Is Dead”, qui a failli s’intituler “Margaret On The Guillotine” (titre utilisé en 1988 par Morrissey pour l’une des chansons de son premier album solo), reste une oeuvre classique, elle n’en est pas moins la plus aboutie et dense de la discographie du groupe mancunien. Ne serait-ce que par la présence de “Bigmouth Strikes Again”, que Marr aime à considérer comme son “Jumpin’ Jack Flash”, single imparable et véhément. Mais c’est aussi là que l’on trouve l’une des plus fines compositions du couple. Flûte et violons accompagnent une mélodie bouleversante, ce “There’s A Light That Never Goes Out” en forme de chanson d’amour que l’on devine impossible. Entre la légèreté de “The Boy With The Thorn In His Side” et la mélancolie de “I Know It’s Over”, les Smiths apparaissent pour la première fois comme une formation vraiment soudée, dans laquelle la section rythmique (les toujours oubliés Andy Rourke et Mike Joyce) fait merveille, Marr s’impose comme le grand guitariste de sa génération et Morrissey comme l’un des paroliers les plus fascinants. Pour beaucoup, les Smiths deviennent alors le futur du rock anglais, qui va tout renverser sur son passage, issus, comme de glorieux prédécesseurs, de ce Nord ouvrier, terre fertile pour les artistes. Pourtant, un an plus tard, à l’été 1987, après l’enregistrement d’un dernier album (“Strangeways Here We Come”) plus aventureux, Johnny Marr abandonne ses compagnons, à la grande frustration d’un public trop tôt orphelin.