Slayer
“REIGN IN BLOOD” DEF JAM
Co-fondateur de Def Jam, label de Public Enemy et LL Cool J qui donna un second souffle au rap, Rick Rubin n’a jamais caché sa passion pour le heavy metal, comme en témoigne son idée judicieuse de rapprocher Aerosmith et Run DMC pour une version explosive et lucrative de “Walk This Way”. Grand échantillonneur de riffs thrash, Rubin n’est pas resté insensible à l’extrême brutalité des deux premiers LP de Slayer (“Show No Mercy” et “Hell Awaits”), un quatuor de furieux adorateurs du metal de Black Sabbath et du hardcore, en activité dans la région d’Orange County, en Californie, depuis 1982. Rick Rubin signe donc, en 1986, le quarteron de chevelus chez Def Jam — ce qui restera l’unique signature rock du label hip-hop — avant de s’enfermer avec eux dans un studio de Los Angeles afin de canaliser au mieux leurs instincts extrêmes. Le bilan est ahurissant tant “Reign In Blood”, empreint de sauvagerie, de brutalité et de perversité sonore, repousse les limites d’un style (le thrash) vers des domaines encore insoupçonnées. A l’écoute, ce disque se révèle aussi terrifiant que certaines scènes ultimes de “Massacre A La Tronçonneuse”. Et Slayer de se poser alors en maîtres de l’équarrissage, un titre confirmé depuis tant par leurs enregistrements live que studio. Si l’agressivité est maîtrisée au mieux, notamment grâce à la vista de Kerry King et Jeff Hanneman, les deux guitaristes, on ne peut en dire autant des textes qui flirtent sournoisement avec l’idéologie du troisième Reich, sous couvert d’une fascination pour la Seconde Guerre mondiale. Difficile, en effet, d’omettre que “Angel Of Death” s’intéresse au cas du Dr Mengele, médecin nazi sinistrement associé à la solution
finale. Slayer aura beau, dans des interviews, se défendre en arguant que son bassiste Tom Arrya est d’origine chilienne ou que Rick Rubin est juif, rien n’y fera. Dans ce contexte, on essaiera de se contenter exclusivement de la puissance faramineuse de la musique pour oublier des paroles éminemment sulfureuses.