Rock & Folk

The Cult

- PHILIPPE MANOEUVRE

“ELECTRIC” BEGGARS BANQUET

Ce disque est l’une des merveilles du rock des années 80, en tout cas le disque qui permettait de tenir bon en 1987, de faire comme s’il se passait quelque chose. Plus tard, beaucoup plus tard, on comprendra­it que toute l’affaire “Electric” ne tenait que grâce au colossal talent du producteur Rick Rubin. Comment expliquer sinon qu’un groupe de mécréants (autrefois baptisé Southern Death Cult), drivé par un chanteur anglais (Ian Astbury) qui se prend pour un Indien sous prétexte qu’il a passé deux ans au Canada, puisse suinter l’électricit­é et la rage, la violence et la folie rock’n’rollienne à chaque seconde des onze morceaux furieux, métal tordu, embrochant l’auditeur sur des riffs sardanapal­esques tressés par le redoutable Billy Duffy ? Les critiques s’exaspéraie­nt à tenter de comprendre le secret de ce Cult-là. Et c’est vrai que Duffy le Renard piquait le secret des riffs de Keith Richards (“Love Removal Machine”), de Jimmy Page (“Electric Ocean”), Angus Young (“Lil’ Devil”) et même des Kinks tandis qu’Astbury, qui dans la vie est plein de morgue, parvenait à se dépasser pour se lancer dans une courageuse imitation d’Iggy Pop (“King Contrary Man”)... Seule faute de tout cet effort de groupe — le Cult avait à l’époque un prodigieux batteur nommé Les Warner et un fantastiqu­e bassiste, Jamie Stewart — la reprise de “Born To Be Wild” saccageant les plates-bandes du grand John Kay. Et puis n’est-ce pas à l’aune de ces reprises de mauvais goût que les gangs des années 80 ont définitive­ment perdu la partie ? Autre exemple : Mötley Crüe osant s’arroger du Sex Pistols, “Anarchy In The USA”, a-t-on jamais vu pire que ça ? Qui plus est, le Cult, comme estomaqué lui-même d’avoir réussi un album aussi torride, aussi crucial, va se contenter de parader dans les restaus chic et branchouil­lés de la planète médusée. Là, l’affaire se disloque. Astbury refuse de dîner avec ses compères, il exige de faire table à part avec ses groupies. Les rock-critics conviés à cette débandade en rient encore. D’autant que dans les bas-fonds de West Hollywood, les rock’n’roll junkies commencent à se refiler le nom du prochain ticket gagnant, Guns N’ fucking Roses. On connaît la suite. Mais putain, “Electric”, quel disque !

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