Mötley Crüe
“GIRLS, GIRLS, GIRLS” ELEKTRA
En 1987, Mötley Crüe tutoie les cieux tout en foulant le sol des enfers. Leurs albums ont beau caracoler en tête des ventes et leurs concerts afficher complet partout, les quatre paumés devenus rois du rock ne sont pas au mieux de leur forme. Un blizzard de blanche semble tomber du ciel, le Jack Daniel’s coule à flots, et chacun semble en proie à ses démons. D’où un changement radical de style vestimentaire : exit les frusques bariolées et androgynes de “Theatre Of Pain”, bonjour le cuir clouté et les Harley. Le son, lui aussi, se durcit. Mötley Crüe rend hommage à la nuit et ses démons en offrant à ses auditeurs une virée dans les bas-fond : les strip-clubs sont à l’honneur sur la chanson-titre, hommage aux établissements favoris du Crüe, tandis que l’autre hit, “Wild Side”, raconte les turpitudes ordinaires d’une nuit à Los Angeles. Si l’histoire (et les membres du groupe) préfère ne se souvenir que de ces deux morceaux, il serait toutefois injuste de jeter le reste aux oubliettes. Certes, l’album souffre des addictions (“Five Years Dead” raconte d’ailleurs une overdose de Nikki Sixx, une nuit de la Saint-Valentin) et de la mégalomanie de ses membres, incapables de livrer un disque cohérent, mais il est temps de réhabiliter des chansons de très bonne facture. Du groove rockabilly endiablé de “Bad Boy Boogie” à l’hymne pédophile “All In The Name Of...” — “She’s
only fifteen (...) you say illegal, I say legal’s
never been my scene” — les chansons sont plutôt consistantes. Ce ne sont pas là des moments d’une extrême inventivité — se résoudre à utiliser les grilles rockabilly basiques montre sans doute un essoufflement dans la créativité — mais Mötley Crüe n’a jamais prétendu à cela. Un album étrange, un album de drogué où se côtoient éclairs de génie (“Wild Side”), bizarreries (“Nona”, hommage à la grandmère de Nikki, touchant mais difficilement écoutable) et manque cruel d’inspiration : à la fin des séances, l’album était trop court, et le Crüe, au bout du rouleau, décide, pour combler le vide, de terminer le tout par une reprise bâclée de “Jailhouse Rock”. Malgré tout, “Girls, Girls, Girls” se hisse à la 2e place des charts, directement derrière Whitney Houston. Six mois après la sortie de l’album, Nikki Sixx meurt d’une overdose, avant d’être miraculeusement ranimé par un ambulancier, et Mötley Crüe sera forcé d’entrer en cure de désintoxication.