Rock & Folk

Dinosaur Jr

- EMMANUELLE DEBAUSSART

“YOU’RE LIVING ALL OVER ME” SST

La musique de Dinosaur Jr c’est une piaule d’étudiant, mal isolée, où le trop chaud alterne avec le trop froid avec une rapidité incroyable. Tout le circuit électrique est à revoir. Ça fait des trucs bizarres, des coupures intermitte­ntes dans la sono. La fenêtre donne sur un campus où passent des étudiants en chemises à carreaux qui se rendent aux cours du soir de Neil Young et de Hüsker Dü. Les cendriers débordent et la vaisselle est rarement faite, mais au milieu de tout ça il y a quand même un bouquet de fleurs. Des roses sombres. Avec plein d’épines. Et sûrement aussi une TV allumée en fond, mal réglée, juste de la mire et un grésilleme­nt hypnotique. Devant, avachi sur le canapé défoncé, faussement amorphe, le maître des lieux, Jay Mascis et ses acolytes du moment. Lee Ranaldo de Sonic Youth, est passé faire des choeurs. Tandis que Lou Barlow, sur le départ, tripote les boutons de la radio et s’amuse à zapper d’une station à l’autre à toute vitesse en inventant le lo-fi et “Toledo”. Et en vrai ? Tout a réellement commencé sur un campus, du Massachuss­etts, dans des expériment­ations plutôt hardcore. Jay à la batterie, Lou à la basse. Et puis est venu Murph qui a récupéré les fûts tandis que Jay passait à la guitare. Multi-instrument­iste et tyran éclairé derrière sa nonchalanc­e affichée de branleur profession­nel, c’est lui qui donne le tempo sur ce deuxième album comme sur les autres. Voix paresseuse, limite juste, sur fond de guitares écorchées vives. Ballades naïves, ambiances alternativ­ement échevelées et poussives au sein d’une même chanson. Son qui emplit tout l’espace ou se réduit à un filet, fins à l’arrache, d’un coup de ciseau aléatoire dans la bande... Dinosaur Jr a su trouver le parfait dosage entre dissonance­s et mélodies, même si le résultat semble le fruit d’une indécision permanente ! En vinyle on n’était jamais tout à fait sûr d’avoir choisi la bonne vitesse. Et on n’aurait pas été étonné de constater qu’une des enceintes était en rade ou de découvrir un paquet de poussière coincé sous le diamant. En CD ou numérique, pas de doute possible : c’est voulu ! Autre avantage du CD : une version d’anthologie de “Just Like Heaven”, initialeme­nt single, ajoutée en bonus. Du Cure en apnée, joué du fond des abysses, avec 40° de fièvre. Parfaiteme­nt massacrée et sublimée. A l’image du reste.

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