Cowboy Junkies
“THE TRINITY SESSIONS” RCA
Les audiophiles sont de drôles d’énergumènes. Ils choisissent leurs disques de tests en fonction de critères énigmatiques, pour des raisons parfois aberrantes. Leur album de référence, connu de tous, testé sur des chaînes de plus en plus ésotériques, doit répondre à d’incontournables critères de prise de son, de rendu sonore. Hunter S Thompson est l’écrivain déjanté que l’on connaît depuis “Las Vegas Parano”. Extrêmement pointilleux sur sa musique, l’homme a désigné au fil des années un certain nombre d’enregistrements d’extrême défonce répondant à des critères aussi personnels qu’organiquement inavouables. Aussi lorsque la Bible audiophile américaine Stereophile et le Dr Gonzo sont tombés d’accord pour voter “The Trinity Sessions” disque de l’année 1988, plus d’un sourcil se fronça autour de la planète et plus d’un curieux fonça ventre à terre vers le magasin de disques le plus proche. Deuxième album du groupe, “The Trinity Sessions” est produit par Peter Moore, ce projet possède un esprit unique, une sorte d’âme personnelle, comme si l’endroit choisi pour l’enregistrement (une chapelle) avait élevé les préoccupations du quartette. En fait, sur ce disque enregistré en une seule journée (le 27 novembre 1987), les Cowboy Junkies mélangent classiques du blues et de la country, mais en proposent des versions calmes, ralenties et alanguies. Tout ici respire, vit, croit comme une plante, lentement, posément. Les Cowboy Junkies sont une famille — Margo, Michael et Peter portent le même nom, Timmins. Leur bassiste Alan Anton vient de la même ville qu’eux : Toronto. Quelques invités à la technique impeccable prêtent main-forte au quatuor, apportant de discrètes touches soniques, accordéon ou harmonica, pedal steel ou mandoline. Les reprises laissent deviner un goût très sûr : “Mining For Gold”, “Blue Moon”, un titre du génial Hank Williams (“I’m So Lonesome I Could Cry”). Certes tout le monde attendait la réaction de Lou Reed en personne puisque sa “Sweet Jane” est également revisitée par les Junkies dans une reprise particulièrement givrée, hivernale. Après quelques semaines d’attente seulement, le verdict tomberait de la bouche d’ombre : le fondateur du Velvet Underground voyait dans la version des Cowboy Junkies la meilleure à ce jour. Dont acte.