Mano Negra
“PUTA’S FEVER” VIRGIN
Il y a eu les Hot Pants, Santi, Manu et Jean-Marc, et d’autres groupes du côté de Sèvres que réunissait Issue De Secours, bar installé dans des locaux désaffectés. Plus qu’un bar, un endroit pour répéter, un lieu de rencontre. Il y a eu Los Carayos, formé un soir là-bas, à Sèvres. Les Carayos et l’aventure parisienne de l’asso Paris Bar Rock, de Chez Jimmy au Berry en passant par L’Auvergne. Il y a eu le Fahrenheit, la MJC d’Issy-les-Moulineaux et son 100e concert fêté en 1988 sur les planches du Zénith, une grande fête réunissant tous les acteurs de la banlieue sud-ouest et des invités de plus loin comme OTH ou les Deltones. Et ce soir-là il y avait également Mano Negra, condensé des aventures précédentes mais cercle de famille agrandi : ex-Hot Pants, ex-Wampas, ex-Carayos, ex-Chihuahua... une sacrée bande. La Mano qui un an plus tôt entamait sa ronde de nuit au cri de
“plus de bruit”. La Mano et un tube qui depuis le début traînait dans les valises de Manu Chao : “Mala Vida”. La Mano et son premier album “Patchanka”. Une claque. On aurait pu imaginer que donner une suite à “Patchanka” et à son immortel “Mala Vida” relevait du pari insensé. Pourtant un an plus tard, “Puta’s Fever” (la chtouille, en argot portoricain) était disque d’or en trois mois. “King Kong Five”, “Sidi H’Bibi”, “Pas Assez De Toi”, autant de tubes qui se suivent et ne se ressemblent pas. Comme à son habitude, la Mano brasse les styles, les langues (français, anglais, arabe, espagnol), les cultures et les couleurs, étalés sur le disque ou se télescopant à l’intérieur des morceaux en savoureux mélanges. Un disque sportif, toujours en extension, toujours dynamique, toujours chaud. Aussi chaud que les prestations scéniques du groupe, vibrantes d’énergie et d’humanité. Un feeling vraiment capté par l’enregistrement. Ce souk maîtrisé porte à son apogée le plus incroyable des melting-pots. Une ambiance de fête multiethnique, multi-chapelles, dans laquelle rock, rap, reggae, salsa, zouk, gospel, punk, funk, folk, flamenco cohabitent en un joyeux chahut, un vaste recyclable, une bonne humeur communicative qui cache des phrases plus dures. Car même s’il n’est pas question de donner des leçons, même si la Mano sait faire bouger les corps, elle a aussi du carburant pour les méninges.