Rock & Folk

The Rolling Stones

“BEGGARS BANQUET”

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DECCA 19 68

Pourquoi “Beggars Banquet” ? Parce que cet album du retour au rock’n’roll, plutôt méconnu dans l’oeuvre stonienne, est une fantastiqu­e mise sur orbite, l’exploitati­on hystérique d’une surexcitat­ion totale. Et pas seulement pour l’effarant “Sympathy For The Devil”, transe possédée, diabolique monument de guitares hérissées et plus grande chanson rock jamais publiée, ou le lapidage en règle de “Street Fighting Man”. Car quelque part, ce Banquet

des Mendiants est le premier disque enregistré par des Stones aux yeux braqués sur le Sud américain, pays cru au lustre clinquant. Il faut dire que l’entrée de Keith et Mick aux studios Olympic se fit sous une énorme pression, une chape de plomb dont le plus grand orchestre anglais risqua de ne pas se relever. Les Stones n’avaient pas obtenu de numéro 1 depuis “Between The Buttons”, et les chamailler­ies psyché de “Their Satanic Majesties Request” avaient placé Mick et Keith dans l’inconforta­ble position de suiveurs anglo-anglais des Beatles. Le génie de Brian Jones est alors sous camisole de force. Sale histoire. En studio, l’ange blond s’effondre, se relevant seulement pour donner trois parties de slide d’un lumineux venin (sur le magnifique “No Expectatio­ns”, incartade country et décalée, “Jig-Saw Puzzle”, plus le sitar métallique sur “Street Fighting Man”). On l’aura compris, “Beggars Banquet” est avant tout la démoniaque machine d’un Keith Richards dont la créativité carbure à plein. D’abord, Keith se remet à étudier la guitare, plonge dans le noir, ressort triomphant avec ses fameux open-tunings (enseignés selon lui par Ry Cooder) et surtout remet Mick sur les vieux rails rouillés du blues... “Parachute Woman” avec la voix presque voilée, menaçante de Jagger, l’harmonica ronflant et les guitares de Keith, grondantes, ramassées, qui ne reculent jamais, “Prodigal Son” (seule reprise de l’album, un titre datant de 1929) et “Stray Cat Blues”, chaos de riffs et de percussion­s, resserrent un formidable étau sonore. A l’image de l’album qui s’achève sur la ferveur hallucinée et païenne de “Salt Of The Earth”. Ici, les Stones, qui venaient de se prendre la gifle du premier album du Velvet Undergroun­d en pleine gueule, remettent de la viande dans le broyeur. Une chose restait sûre : la suite promettait d’être terrible. FRANCK ROY

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