Donovan
“DONOVAN’S GREATEST HITS”
EPIC
19 69
Nombreux, les amateurs de panneaux se repèrent aisément puisqu’ils y tombent en général au même moment, avant de révéler le vide abyssal de la suite de leur propos. Donovan Leitch, d’extraction écossaise mais élevé en Angleterre (Hatfield dans le Hertfordshire), fut victime au départ de sa carrière de ce type de forfaiture sous forme de comparaisons hâtives avec Bob Dylan, un autre de ces artistes qui avaient choisi, au milieu des années 60, de s’exprimer dans le plus simple appareil, à la guitare acoustique et harmonica. Pourtant, Donovan n’a jamais rien eu du Zim. Influencé par Woody Guthrie, Derroll Adams et la bohemian culture, ce chanteur à la voix chatoyante et au vibrato naturel est vite devenu, par l’entremise du producteur Mickie Most, un pur fruit de l’école pop alors balbutiante. Ce “Greatest Hits” datant de 1969 qui situe l’ampleur de son talent mieux que ses albums, le montre selon l’humeur et le tempo, candide ou piquant, folker ou rocker psyché, ménestrel ou pop star. En fait, de 1965 à 1973, Donovan a été tout cela à la fois et forcément bien plus. Mais surtout, c’est à son habileté pour brosser des chansons pop parfaites qu’il doit sa faramineuse notoriété. “Mellow Yellow”, comptine impérieuse arrangée par John Paul Jones, établit de façon formelle que la fumette et la position en tailleur, lorsqu’on arrive à les associer, ont du bon. Souvent taxé d’apolitisme primaire, Donovan et son “Colours” antiraciste sont la preuve par trois accords que, plutôt que de taper dans la gueule d’entrée, on peut parfois expliquer pour se faire comprendre. “Lalena”, dans son royal et philharmonique écrin, belle comme un baiser volé à un enfant, fait pleurer dans les chaumières depuis 1968. Lorsqu’il se montre vitupérant, Don fait mouche également comme en attestent les acides “Sunshine Superman” (avec Jimmy Page...) et “Hurdy Gurdy Man” (...John Paul Jones et John Bonham). Pour certains, sa progression sur deux accords lancinants et têtus (une méthode adaptée par beaucoup d’autres ensuite) fait de “Season Of The Witch” l’égale de chansons du Velvet Underground. Enfin, les ravissantes miniatures flower pop que sont la calypso “There Is A Mountain” et “Jennifer Juniper”, à des années-lumière de Dylan, achèvent de confirmer que Donovan, personnalité éminente de la pop anglaise, ne souffrait décidément aucune comparaison. JEROME SOLIGNY