Rock & Folk

Neil Young

“EVERYBODY KNOWS THIS IS NOWHERE”

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REPRISE

19 69

Dans son autobiogra­phie parue en 2012, le tempétueux Canadien explique avoir trouvé l’inspiratio­n de sa murder ballad électrique “Down By The River” dans... l’écoute du hit “Sunny” de Bobby Hebb ! La même journée, dans un état de fièvre avancé — ceci expliquant certaineme­nt cela — Young compose “Cinnamon Girl”, puis “Cowgirl In The Sand”. Trois chansons en quelques heures, dont l’onde de choc allait courir quelques décennies... Le Loner avait sorti son premier album (“Neil Young”) quelques mois auparavant, une affaire assez chiadée, avec des orchestrat­ions signées Jack Nitzsche. A la même période, il commence à jammer avec une bande de musiciens de Laurel Canyon, The Rockets, et découvre une complicité naturelle avec le batteur Ralph Molina, le bassiste Billy Talbot et le chanteur/guitariste Danny Whitten. Young rebaptise le gang Crazy Horse et, jamais homme à remettre les choses au lendemain, entre en studio tel le chercheur d’or pressé de faire enregistre­r un juteux filon. Et ce qu’il a trouvé, en effet, est tout à fait étonnant. Un instinct du contraste d’abord, violence des riffs et fragilité du chant, rugosité instrument­ale et beauté des mélodies (“Cinnamon Girl”). Puis ces tunnels instrument­aux qui ceignent couplets et refrains, section rythmique martiale, guitare de gauche aux accords rêches, guitare de droite, la sienne, qui éructe, se cambre, mitraille, de longues minutes durant. Très nouveau, tout cela. Et à rebours des voyages psychédéli­ques : il ne s’agit pas ici de planer, mais d’expulser des choses de soi. D’atteindre la transe, l’émotion la plus brute. Les musiciens de studio durent sourire en entendant “Down By The River” ou “Cowgirl In The Sand” et David Crosby lui-même ne comprendra jamais le goût de son compadre pour des musiciens si primaires. L’approche allait pourtant faire florès : tout un pan du rock américain sortira de ce fertile terreau, une vingtaine d’années plus tard, tout comme le folk-rock fleurirait des semis de “Harvest” (1972). Tout le monde, ou presque, ferait un jour du Neil Young. Souvent occulté par ces titres mastodonte­s, le reste du disque mérite mention : merveille pastorale aux délicates harmonies vocales (“Round & Round”), complainte crépuscula­ire (“The Losing End”, déchirante voix haute de Whitten) ou ancestrale rengaine folk que Neil Young, là encore, réinvente à sa guise (“Running Dry”). BERTRAND BOUARD

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