Rock & Folk

Alexander Spence

“OAR”

-

COLUMBIA

19 69

Ce disque est un cas d’école, l’album qui s’est le moins vendu de tous les temps, Columbia révélant même un chiffre : 850 ventes en tout. Le disque a connu un seul tirage, en Amérique donc. Et pourtant Alexander Spence était un personnage connu. Batteur de l’Airplane, il quitte le groupe et ressurgit soliste de Moby Grape, le grand espoir psyché à trois guitares. Mais l’époque est trouble. Les ingénieurs du son doivent proposer deux versions de chaque album, une mono et une stéréo. Quand il découvre la version stéréo du Moby Grape, Skip Spence est pris d’une authentiqu­e crise de rage meurtrière. Se saisissant d’une hache d’incendie, il attaque la porte de son producteur. La scène se passe dans un hôtel de NYC. La police surgit, et Skip Spence, acid casualty, sera placé six mois au Bellevue Hospital, section psychiatri­que. A sa libération, l’homme retourne directemen­t chez Columbia, son label, et exprime l’envie d’aller enregistre­r un album solo, à Nashville. Il obtient également une méchante avance de mille dollars, avec laquelle il achète une petite Harley et part aussitôt en moto pour la capitale de la country. En sept jours, il enregistre “Oar”, à partir des chansons composés en HP. Enregistré dira la légende “à faible volume”, ce disque offre douze chansons de longueur variable (entre deux et dix minutes). L’ingénieur local Mike Figlio saura capter les étranges états d’âme de son bizarre client. Comme chez Syd Barrett, le projet abonde en changement­s d’accords improbable­s et double entendre savoureux. Mais l’album est difficile. Le chant marmonné et parfois incompréhe­nsible de Skip Spence ne séduit pas l’époque. Ses délires guitaristi­ques (“Grey/ Afro”) annoncent Sun Dial, Warlocks, Brian Jonestown et tous les groupes amateurs de drone rock. Sorti en catimini, oublié un mois après sa sortie, “Oar”, dans l’esprit de son auteur, était une collection de démos, un vrai album aurait dû en sortir, plus tard, ailleurs. Un titre sort du lot, monumental, brillant, “War In Peace” qui est égal aux meilleurs de Quicksilve­r, Airplane, Grateful Dead. Dès 1991, une réédition fait grand bruit. Dix ans plus tard, les tribute au disque maudit sont devenus légion, Robert Plant, Tom Waits, Greg Dulli, Beck ou Wilco s’avérant tous adorateurs du mystérieux projet de Skip Spence, disparu en 1999. PHILIPPE MANOEUVRE

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