Rock & Folk

The Who

“TOMMY”

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TRACK

19 69

Roger Daltrey : “Il fallait vraiment qu’on soit une sacrée bande de cinglés pour réussir ce pari fou qu’a été ‘Tommy’. Il fallait que ce soit un groupe qui avait la pression comme les Who, avec deux millions de dollars de dettes en permanence.” Il n’a pas tort. Qui d’autre, effectivem­ent, qu’un dérangé de métier comme Pete Townshend, à qui le fait d’être le groupe le plus cinoque de l’histoire du rock ne suffisait apparemmen­t pas, aurait pu concevoir ce délire qu’il baptisa opéra-rock ? Et qui d’autres que Roger, Moony, et Entwistle à la basse, auraient pu le suivre dans sa folie transposée ? Car, aussi inconcevab­le que cela puisse paraître aujourd’hui, Townshend écrivit ce conte, dans lequel un aveugle sourd muet devient champion de flipper puis déjante, pour Daltrey. A n’en pas douter, les relations entre ces deux-là n’étaient pas simples. Chez les Who, Townshend, très moche, composait. Daltrey, belle gueule, chantait. A eux deux, ils incarnaien­t la rock-star idéale. Mais s’aimer très fort ne les empêchait pas de se cogner dessus et, selon Kit Lambert, il y eut quelques moments épiques durant l’enregistre­ment. Que dire alors de la musique de “Tommy” hormis le fait qu’elle a la grandiloqu­ence de son génial créateur, totalement mytho-mégalomane, bruyante comme un missile dans un consulat ? A côté des chansons évidentes, celles qu’on les savait capables de faire, comme “The Acid Queen”, “Pinball Wizard” ou “I’m Free”, un titre comme “Underture” est une sorte d’apothéose, un truc à figurer dans le livre des records. Ce que l’on entend pendant les vingt-quatre plages que dure “Tommy”, c’est un putain de groupe de rock, brutal, sauvage, mastoc, complèteme­nt voué à la cause du grand, là, avec la gratte. Keith en veut à ses toms, John donne l’impression d’être payé à la note, et Pete contrôle ce qui peut encore l’être, en astiquant ses manches avec frénésie. Parfois, la voix magique de Roger, sèche comme un coup de trique, est tellement tapie sous les arrangemen­ts qu’on a un peu l’impression de le voir disparaîtr­e de l’écran. Mais en tapant sur la télé, avec le plat de la main, chtac ! il revient au milieu, et ses frisettes avec. “Tommy”, pari réussi, connaîtra ensuite un succès d’une toute autre ampleur puisque le film de Ken Russell, bien barje aussi, va cartonner sérieux, sans même évoquer la comédie musicale qui se joue à Broadway, et à Londres désormais. Pas mal pour des dynamiteur­s de chiottes. JEROME SOLIGNY

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