The Band
“THE BAND”
CAPITOL
19 69
De 1967 à 1976, neuf ans d’existence, seize albums dont trois avec Bob Dylan, deux live, deux compilations, une reformation en 1986 enrayée par le suicide de Richard Manuel, et une seconde en 1993 sans Robbie Robertson, indifférent. Quatre Canadiens et un Sudiste installés à West Saugerties près de chez Dylan, un solide background professionnel (les Hawks de Ronnie Hawkins, puis les tournées avec Dylan dès 1965) et des chansons incomparables. “L’Orchestre” est le groupe le plus sousestimé du public de toute l’histoire, alors qu’il est l’essence même du rock US. Après les séances légendaires avec Dylan dans sa maison-communauté “Big Pink” (qui donneront le bootleg “Great White Wonder” et les “Basement Tapes” parues en 1975), un premier album en 1968 qui offre le classique “The Weight” et trois titres de Dylan, le Band s’affranchit en 1969 de ce pur chef-d’oeuvre, qui ne fut reconnu à sa juste valeur qu’aux USA. Cas pratiquement unique dans le rock, ses cinq membres étaient multiinstrumentistes et s’échangeaient leurs outils au gré des morceaux, tout en chantant souvent couplets et refrains à tour de rôle. Et si le fin guitariste Robertson écrivait la majorité du répertoire, les autres participaient. Son contenu est inclassable tant il est le résultat de croisement d’influences et un alliage de styles distincts, sans être disparate ni que son unité en souffre : rock’n’roll, R&B (“King Harvest”), ragtime, chansons inspirées de la musique traditionnelle américaine, blanche ou noire. Kaléidoscope. “The Band” est également spectaculaire grâce à l’emploi inhabituel de cuivres, mandoline, violon, accordéon, tous claviers, pour servir des chansons électriques. S’en détachent évidemment “Across The Great Divide”, “Rag Mama Rag”, “Up On Cripple Creek” “Jemima Surrender”, et bien sûr cet hymne au Sud, “The Night They Drove Old Dixie Down”, chanté par le batteur Levon Helm. Un disque reçu en 1969 sans point de repère, ce qui en a aussitôt assuré son originalité puis sa pérennité. Malgré l’hostilité de jaloux, un manager dictatorial, la drogue, la peur maladive de la scène de Robertson, le groupe a su maintenir une cohésion et une alchimie véritables jusqu’à son fameux concert d’adieux, le 25 novembre 1976, filmé par Martin Scorsese (“The Last Waltz” et ses invités prestigieux). JEAN-NOEL OGOUZ