King Crimson
“IN THE COURT OF THE CRIMSON KING”
EG
19 69
Au départ, deux frères, Peter et Michael Giles. L’un est bassiste, l’autre, batteur. Ils rencontrent en 1967 un jeune guitariste nommé Robert Fripp, issu de The League Of Gentlemen. De leur union éphémère naît un album, “The Cheerful Insanity Of Giles, Giles And Fripp”, qui se solde par un flop commercial. Peter Giles se retire. 1969 : loin de s’avouer vaincu, Fripp engage Greg Lake (chant, basse, guitare) et Ian McDonald (sax, claviers) puis s’assure les services d’un talentueux parolier en la personne de Pete Sinfield. Et s’inspirant de l’un de ses textes, il baptise son nouveau groupe King
Crimson. Dès sa sortie, “In The Court Of The Crimson King” fait l’effet d’une bombe. A commencer par sa pochette, issue d’un tableau de Barry Godber montrant une vue plongeante sur les amygdales sanguinolentes de l’homme
schizophrène du XXIe siècle. Ce peintre de génie décédera l’année suivante et n’aura jamais la carrière d’un Roger Dean. Fort heureusement pour King Crimson, le meilleur est à l’intérieur de l’album. Une combinaison sulfureuse entre la personnalité et le talent dégagés par Robert Fripp, technicien hors pair doublé d’un chercheur excentrique, et les textes surréalistes de Pete Sinfield. C’est la synthèse du rock et du jazz, la jonction entre psychédélisme et progressive, musique planante et délires symphoniques, recherche contemporaine et voix saturées, la genèse d’un certain hard rock fort éloigné du blues. “In The Court...” est ni plus ni moins que le “Sgt Pepper” du prog. Toujours d’actualité, aucune ride, hors du temps. Dans ce chaudron magique, une page d’histoire musicale de la planète fut touillée, à grands coups de ballades (“I Talk To The Wind”), d’esprit free (“Moonchild”) et de symphonisme inédit (“Epitath” et “In The Court Of The Crimson King”). Et pimentant le tout, le “21st Century Schizoïd Man” en proie aux pires tourments. Cet album décisif demeure la plus sûre référence du prog anglais, sa manifestation parfaite. Au fil des décennies, des musiciens d’exception émergèrent des entrailles du Cramoisi Roi. XAVIER CHATAGNON