The Kinks
“ARTHUR (OR THE DECLINE AND FALL OF THE BRITISH EMPIRE)”
PYE
19 69
“Something Else”, “Village Green” et “Arthur”. Trois albums divins, sortis à la suite, entre 1967 et 1969, à une époque où le rock britannique prenait une tournure, au choix, psychédélique, heavy ou politique. Que faisait le dandy misanthrope Ray Davies pendant ce temps ? Evidemment rien de tout cela. L’homme de Muswell Hill s’est mis à écrire des choses fascinantes : vignettes pop sans équivalent, à la délicatesse folle et aux paroles nostalgiques. Début 1969, Davies est engagé pour travailler à la bande-son d’un téléfilm, l’histoire d’Arthur Morgan, poseur de moquette qui émigre avec sa femme vers l’Australie. La fiction, en réalité, a l’ambition d’être une réflexion sur la condition d’un Anglais au vingtième siècle, il y sera question du Commonwealth, de la reine, de Winston Churchill ou du souvenir de la guerre. Ces thèmes, que Pretty Things ou Who auraient trouvés éminemment peu cool, intéressent immédiatement Ray Davies, qui s’implique dans l’écriture du script. Avec en tête le souvenir du mari de sa soeur, prénommé Arthur, il se met à composer. Comme souvent chez les Kinks, les choses ne se passent pas comme il le faudrait : le tournage du téléfilm est annulé, faute d’argent. Davies, tout de même, s’attèle au disque, qu’il produit au studio Pye après avoir recruté un nouveau bassiste, John Dalton. On l’a parfois oublié, les Kinks sont un groupe de rock merveilleux. Miracle, ils ont ici un son à la hauteur. Il y a “Victoria”, génial single dont le thème (une monarque morte voici plus de 60 ans) n’attirera hélas pas la jeunesse ; “Australia”, dont la coda s’étire, avant l’heure, comme les Stones de “Can’t You Hear Me Knocking” ; “Arthur”, où la Telecaster de Dave Davies fait des miracles. Ray, à nouveau, a conçu des choses uniques. Un morceau vaudeville bouleversant (“She’s Bought A Hat Like Princess Marina”), un autre qui parle de l’effort de guerre (“Mr Churchill Says”) ou ce bijou absolu, “Shangri-La”, titre à tiroirs magnifique d’un bout à l’autre. De tout cela se dégage un sentiment diffus de mélancolie, de désespoir même. Ray Davies a 25 ans et affirme dans “Young And Innocent Days” que l’existence est vaine. C’est peut-être vrai, mais les Kinks sont là pour la rendre supportable. BASILE FARKAS