Lee Hazlewood
“FORTY”
LHI
19 69
Alors que les sixties n’en finissent plus de célébrer la jeunesse, Lee Hazlewood sort “Forty” : le moustachu fête ses quarante ans en publiant un album de vieux. 1969 : Led Zeppelin, King Crimson et les Stooges défrayent la chronique, un demi-million de jeunes chevelus se gave de LSD à Woodstock, et le cow-boy quadra, de passage à Londres, enregistre un album de crooner qui relie Frank Sinatra à Leonard Cohen — entre variété et country-pop. A côté de la plaque, l’homme qui fut un modèle pour
Phil Spector ? Il répondait : “Le truc peace & love a toujours été un mystère pour moi... Parce que je ne me dopais pas ? Sauf si le scotch est une dope. Autour de ma bouteille, je ne rassemblais pas autant de gens qu’à Woodstock... Mais j’avais signé sur mon label des artistes comme Gram Parsons, j’entretenais de bonnes relations avec eux, liées à la
musique, la réalisation.” Producteur visionnaire, Hazlewood laisse pour “Forty” les manettes à des collaborateurs locaux, et le résultat est vertigineux. C’est Shel Talmy, historique associé des Who et Kinks, qui signe la production. Aux arrangements, trois autres pointures : Big Jim Sullivan, l’ami d’Elvis, et George Harrison — sur son CV, “Histoire De Melody Nelson” ; David Whitaker, qui a aussi travaillé avec Gainsbourg (“Comic Strip”) ; enfin Johnny Arthey — les incroyables orchestrations de “Eloise” (Barry Ryan) et “Young, Gifted And Black” (Bob & Marcia), elles sont de lui. C’est ce dernier qui signe les arrangements des deux chansons les plus terrassantes de “Forty” : “The Night Before” et “Bye Babe” — là, on pige direct pourquoi Hazlewood est le héros de Nick Cave. Le pygmalion de Nancy roucoule des standards déjà popularisés par papa Frankie (“It Was A Very Good Year”), du Randy Newman, le féérique “What’s More I Don’t Need Her” et une poignée d’autres reprises choisies à la cool et barytonnées verre de bourbon en main. Songwriter magistral (“Pour Man”, “She Comes Running”, “Soul’s Island”, “José”, “Back On The Street Again”, “Poet, Fool Or Bum”, “Some Velvet Morning” — il faudrait cent pages pour citer ses meilleures compositions), l’ami de Johnny Cash se contente sur “Forty” de chanter les autres. Difficile de s’en plaindre, vue la classe de l’interprétation : These songs are made for cryin’. BENOIT SABATIER