Rock & Folk

Scott Walker

“SCOTT 4”

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FONTANA 19 69

D’un seul coup, tout lui a semblé faux. Les Walker Brothers ? Aucun lien de parenté entre eux. Leurs coiffures, leurs fringues ? Pompées sur les Beatles et Stones. Les rois du Londres qui swingue ? Ils débarquent de Los Angeles. Leurs hits ? Composés par d’habiles faiseurs — pas par eux. Scott

Walker nous le racontait : “Après 1966, la musique a été supplantée par les fêtes, l’adulation... Il fallait que je me sauve.” Scott plaque les Brothers et se planque dans un monastère. Pour cuver ? Non. “Etudier le chant grégorien. Progresser, gagner en assurance, pouvoir me produire seul. Le succès de mes trois premiers albums solo m’a encouragé. Mais avec ‘Scott 4’, les ennuis ont

commencé.” Si “Scott 4” est le premier de ses albums composé uniquement de chansons originales, c’est aussi le premier recalé des charts. Pas la peine de chercher midi à quatorze heures quant aux raisons de ce flop : Scott ne fait ici aucun effort pour racoler les teenagers. L’ex-idole des adolescent­es veut prouver à 26 ans qu’il est un type sérieux, cultivé, ambitieux. Sur la pochette, une citation d’Albert Camus (une considérat­ion sur l’importance de l’art), l’auteur du disque signant de son vrai patronyme, Noel Scott Engel — quand l’album sera réédité, ce sera sous son nom de scène, Scott Walker. Pas question de se limiter à une instrument­ation basique : aidé par trois grands orchestrat­eurs (dont Peter Knight, responsabl­e du “Nights In White Satin” des Moody Blues), le baryton lâche les amarres, les potards dans le rouge du baroque, mélodramat­ique, grandiose. Le disque, qui sort au même moment que “Monster Movie” (Can) et “An Electric Storm” (White Noise) sonne-t-il old school, limite ringard ? Non. Le côté Frank Sinatra est modernisé façon David Axelrod, voire Ennio Morricone. Il y a de la country en cinémascop­e, du funk mariachi, de la soul psyché, de l’ultra romantique (“Duchess”) et un morceau de bravoure : “The Old Man’s Back Again (Dedicated To The NeoStalini­st Regime)”, avec choeurs spectraux et ligne de basse phénoménal­e. Les paroles ? Le crooner fait rimer “bicycle

bells” avec “Rembrandt swells”, médite sur “Le Septième Sceau”, parle de Staline, invoque les ténèbres, synthétise en trois minutes ses visions existentia­listes... Avec “Scott 4”, la pop entre dans l’âge adulte, pas seulement avec prétention, mais aussi : grandeur et flamboyanc­e. BENOIT SABATIER

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