Van Morrison
“MOONDANCE”
WARNER BROS
19 70
De l’aveu même de Van Morrison, les Them n’ont existé en tant que groupe que le temps de leur résidence au Maritime Hotel de Belfast. Leurs disques seront le plus souvent enregistrés par des musiciens de séances, à la solde de producteurs obsédés par le Top 10. De quoi frustrer un garçon qui rêve de blues et de grands espaces. Libéré de ses obligations contractuelles, Van émigre en Californie et entame sa carrière solo sur un album encore trop formaté à son goût. Le suivant, “Astral Weeks”, est un échec commercial lors de sa sortie mais lui vaut un coup de fil du vice-président de Warner qui lui prédit que si les ventes sont modestes, elles seront régulières et s’étaleront sur des années. Van le convainc sans peine de le laisser réaliser le prochain lui-même. Et personne n’aura à le regretter. En découvrant “Moondance”, on est saisi par la complicité qui unit le chanteur et les musiciens. La plupart des morceaux sont issus de prises live, orchestre et voix en direct, presque sans overdubs. La face A s’ouvre en douceur sur “And It Stoned Me”, un souvenir d’enfance qui prend la forme d’une ballade country enveloppée de cuivres et de piano. “Moondance” est une déclaration d’amour sur fond jazzy qui ne tardera pas à devenir un classique de la bande FM. Le lascif “Crazy Love” semble avoir été écrit pour le public qui fréquente l’Apollo Theater le vendredi soir. “Caravan”, inspiré par la vision d’un groupe de gitans, est un hommage à la radio, médium souvent présent dans ses textes. “Into The Mystic” est une de ces odes dont Van a le secret, qui mêlent le sacré et le païen. La face B s’ouvre sur le gospel fiévreux de “Come Running”, une pure feel good song. “These Dreams Of You” débute sur un boogie épais, vite cassé par les grognements du refrain, accompagnés de jubilatoires riffs de cuivres. “Brand New Day” est né d’un choc mystique causé par l’écoute d’une chanson du Band. Et le guilleret “Everyone” introduit idéalement “Glad Tidings” qui referme l’album sur un clin d’oeil blue-eyed soul. Après deux disques plutôt confidentiels, “Moondance” et ses trois millions d’exemplaires installent définitivement notre exilé dans le paysage musical américain. Moins de huit mois plus tard, “His Band And The Street Choir” confirme que Van Morrison est, avec Bob Dylan, l’un des deux ou trois songwriters qui comptent en ce début de décennie. PIERRE MIKAILOFF