Rock & Folk

Ten Years After

“CRICKLEWOO­D GREEN”

-

CHRYSALIS

19 70

Pendant un court moment, au milieu des seventies, Ten Years After fut le plus grand groupe du monde. Le chanteur et guitariste Alvin Lee proposait un blues rusé, il pouvait entortille­r des solos ininterrom­pus comme on dévide de la cordelette et semblait pouvoir proposer du point de croix ou de la rosette, brodant des développem­ents en dehors de toute considérat­ion commercial­e. C’était hip, jolie chérie, et seul le Melody Maker parvenait à coller sur les TYA (comme on disait) l’étiquette Progressiv­e. Puis il y eut Woodstock, le légendaire “I’m Going Home” et Ten Years After devint le Alvin Lee Circus. Dans un premier temps, personne ne s’en formalisa. La formule semblait bonne. Il y avait pléthore de bons guitariste­s à l’époque, mais Alvin — dans son domaine chéri du techno- blooze — était vraiment le plus rapide. Ecouter “Sugar The Road” et son fameux solo à cent mille à l’heure... Alvin est à la jonction de plusieurs styles. Rock’n’roll dans la démesure, le sens du flash, il pille également avec allégresse les bluesmen qui ont eu le malheur de coucher des soli sur vinyle, de BB à Freddy King, sans oublier Albert. A chaque fois, Alvin trouve le détail technologi­que qui fait moderne (chambre d’écho, sustain, echoplex) qui masque l’emprunt et fait croire qu’il se passe un truc même si, au fond du fond, il refuse de s’éloigner des grilles sacrosaint­es de la structure trois accords/ douze mesures. “Me And My Baby” reste un solide shuffle comme T-Bone Walker en écrivait dans sa baignoire. Une rapide incursion country (“Year 3000 Blues”) et ce disque, tellement anglais qu’il ferait passer le toffee à la menthe pour une saucisse munichoise, débouche sur ce qui reste le hit majeur de Ten Years After (onze efforts au compteur) : “Love Like A Man”. Et si chaque groupe anglais avait son morceau de bravoure, reconnaiss­ons à Alvin Lee de s’être forgé là un piédestal épique de pur marbre de carrare. Sept minutes de digression pour un riff inoubliabl­e. Un démarrage lent, lent (à la “Child In Time”) qui débouche sur un énorme groove (à la “Alright Now”). Tout cela dès 1970. La suite sera beaucoup moins jubilatoir­e, moins vivante en dépit d’un fameux album live. Ten Years After bricole avec l’électroniq­ue, revient au rock le plus roll et donne quatre mille concerts en rejouant, toujours à la perfection, “I’m Going Home” et “Love Like A Man”. Moderne Sisyphe, Alvin le ténébreux s’est éteind en pleine opération en 2013 d’une crise cardiaque massive. Il est parti comme ses solos, rapide comme la foudre. PHILIPPE MANOEUVRE

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