Rock & Folk

The Stooges

“FUN HOUSE”

-

ELEKTRA

19 70

Dès sa pochette, ce disque a quelque chose d’effrayant. Au premier regard le corps d’Iggy Pop semble se dissoudre en une coulée de lave en fusion, se liquéfier en un fleuve de sang et de sperme. D’entrée ce disque est placé sous un signe de feu. Malgré les efforts d’Elektra, le premier album des Stooges ne s’est pas bien vendu. Jac Holzman, qui gagne tout ce qu’il veut depuis qu’il a signé les Doors, croit fermement en ses nouveaux poulains dont le chanteur Iggy est pour beaucoup l’alter ego diabolique de Jim Morrison. C’est à Los Angeles qu’il envoie les Stooges enregistre­r ce deuxième disque sous la direction de Don Gallucci, le producteur du hit garage des Kingsmen “Louie Louie”, dont Iggy est fan. Même éloignés de Detroit, les Stooges sont toujours sous l’emprise de cette cité industriel­le dont “Fun House” cristallis­e la double influence, le métal lourd dont on fait làbas des voitures, et la musique noire dont Detroit est un des berceaux — Motown y a son siège et l’illuminé funk George Clinton en est originaire. Au quatuor primaire s’est adjoint Steven McKay, saxo ténor recruté au dernier moment mais qui va devenir un membre du groupe à part entière. Ensemble ils vont graver une page de l’histoire du rock. Ce disque est une longue transe satanique. Les morceaux, enregistré­s en direct, partent on ne sait où en de longues improvisat­ions démoniaque­s. Jamais l’influence du free jazz ne s’est autant fait sentir. Ron Asheton déclenche des torrents de fuzz, bouscule nos sens. L’oreille cherche désespérém­ent une quelconque ligne directrice, un gilet de sauvetage mélodique alors que tout implose. Iggy ne chante plus mais hurle, crache ou vomit dans son micro des imprécatio­ns orwellienn­es :

“She’s got a TV-eye on me.” Dans cette jungle de sons impénétrab­les, le sax gémit comme un fauve blessé par la batterieka­lachnikov de Scott Asheton jusqu’à ce que “LA Blues”, orgasme final, le laisse sur le carreau, le corps secoué de spasmes. Les Stooges ne sortiront pas intacts de cette expérience interdite. Dès la sortie de cette

Maison de Fous, les problèmes surgissent. Iggy vire le bassiste Dave Alexander qui a perdu tout intérêt pour le groupe, et luimême a de sérieux problèmes d’ego en reprochant aux autres de ne pas être à la hauteur. Les poudres blanches feront le reste. Fin du premier chapitre, les Stooges n’enregistre­ront plus avant longtemps. ALEXIS BERNIER

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