Elvis Presley
“ELVIS PRESLEY”
RCA VICTOR
Le rock’n’roll déferle sur la planète dès 1954 grâce à Bill Haley mais ne correspond à un vaste bouleversement social qu’en 1956 avec le triomphe d’Elvis Presley. En plus des moteurs indispensables à une carrière à succès, séduction, identification, Elvis Presley (1935-1977) sert à sa génération un cocktail explosif de désobéissance, d’insolence, de sexualité et autres incitations libératrices. Avec lui, le rock déborde du cadre musical, à jamais. Ayant démontré son potentiel grâce à cinq simples chez Sun, label de Memphis, il est engagé par RCA avec qui son manager, le colonel Parker, a des relations. Adulé à l’échelle nationale depuis ses prestations dans le show télévisé des Dorsey Brothers, il est en tête des classements avec “Heartbreak Hotel”. Pour tirer profit de l’engouement, RCA commercialise un album. La politique de l’époque veut que le succès du moment n’y figure pas, pas plus que les morceaux jugés les plus vendeurs issus de deux jours en studio début janvier 1956 à New York puis de deux autres à Nashville à la fin du mois. Le 33 tours inclut cinq chansons rachetées à Sun dont l’arachnéen “Blue Moon”. Elvis Presley a changé de label mais pas de style. Toujours entouré de Scotty Moore (guitare), Bill Black (contrebasse) et D.J. Fontana (batterie) avec Floyd Cramer ou Shorty Long (piano) et les Jordanaires (choeurs), il continue de puiser dans le R&B — “Money Honey” des Drifters, “I Got A Woman” de Ray Charles — aussi bien que dans le rock blanc. Son arrangement de “Blue Suede Shoes”, un emprunt à Carl Perkins, est d’ailleurs placé en ouverture. Incroyable d’aisance, Elvis Presley aborde “Tutti Frutti”, bombe atomique fomentée par Little Richard, et s’en sort comme un chef. Intitulé “Elvis Presley”, l’album bénéficie d’une pochette choc, un cliché en noir et blanc pris à Tampa le 31 juillet 1955 par William Robertson. Le prénom écrit verticalement en rose, le nom à l’horizontal en vert, nombreux ceux qui reprendront l’idée, notamment Clash pour “London Calling”. Annonciateur d’une nouvelle ère, “Elvis Presley” est le premier album rock classé n°1. Il faut dire que le jeune artiste originaire de Tupelo (Mississippi) chante avec tant de style et de grâce naturelle qu’on ne peut que le qualifier de génie, un million de fans l’ont vite compris.