Rock & Folk

Joan Baez

“JOAN BAEZ”

- BERTRAND BOUARD

VANGUARD

En ce tout début des années 60, la première vague du rock’n’roll vient de refluer. Le folk a commencé à tout envahir, sauf qu’il est pour l’instant l’affaire de vétérans, non celle de la jeunesse. Les choses vont changer avec l’arrivée d’une ténébreuse chanteuse de 19 ans, remarquée en 1959 au festival de Newport et courtisée par plusieurs maisons de disques. Joan Baez choisit le petit Vanguard au détriment de Columbia, pour la liberté artistique, et enregistre cet album, son tour de chant de l’époque, en quatre jours, dans la salle de bal d’un hôtel de New York. Accompagné­e de ses seuls arpèges de guitare, Baez commence par l’histoire d’une fille tenue par la promesse à sa mère de se garder de la cruauté des hommes. La voix de soprano est d’une pureté étincelant­e, la mélodie, posée sur de tristes accords mineurs, bouleverse. Il est question plus loin d’une jeune femme enfermée dans un funeste pénitencie­r de la Nouvelle-Orléans, d’une courtisane conduite sur l’échafaud pour infanticid­e, d’un marin devenu pirate, d’une épouse jurant fidélité à son homme écumant les mers. Ces chansons ont traversé les siècles et les océans : “Mary Hamilton” date de l’Angleterre du XVIe siècle, “Henry Martin” et “John Riley” du XVIIe. Les interpréta­tions de Baez les exposent à une nouvelle génération, séduite par leur romantisme tragique et leurs mélodies immaculées. Baez ajoute un traditionn­el yiddish, une ballade mexicaine, quelques folk songs des années 30 ou 40. L’album trouvera son public dans le sillage du succès du deuxième, paru l’année suivante, et constitue l’un des principaux points de départ du revival folk qui va drainer de jeunes chanteurs dans tous les coffee-house du pays (le dernier film des frères Coen, “Inside Llewyn Davis”, illustre à merveille cette scène). Bob Dylan, deux ans plus tard, reprendra à son tour “The House Of The Rising Sun” sur son premier album, mais c’est toute la scène rock qui s’abreuvera un jour à ce répertoire : les Byrds électrifie­ront “John Riley” et “I Know You Rider”, qui sera l’un des chevaux de bataille de Grateful Dead, les Animals triomphero­nt avec “The House Of The Rising Sun”, et Led Zeppelin avec “Babe I’m Gonna Leave You”, enregistré par Baez sur son deuxième album. L’importance historique de cet album et des deux suivants n’a d’égal que le souffle, toujours intact, de ces interpréta­tions.

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