Rock & Folk

Joe Cocker

“MAD DOGS & ENGLISHMEN”

- PHILIPPE MANOEUVRE

A&M

Mars 1970 : impossible de tourner en Amérique ! Tout le monde veut voir Joe Cocker, qui a été l’outsider phénoménal du festival de Woodstock, mais la loi yankee est formelle : Cocker doit le faire avec des musiciens américains. Bondissant sur l’occasion, Leon Russell offre à l’Anglais de Sheffield de lui monter un groupe au débotté. En une après-midi, nombre de cadors répondent présent. La tournée est sauvée ! Les répétition­s commencent. Très vite, la compagnie s’agrandit. Combien sont donc ces Chiens Fous de la route ? On dénombre dix musiciens. Avec, excusez du peu, trois batteurs dont Jim Keltner et Jim Gordon, les cuivres des Stones, Bobby Keys et Jim Price, deux pianistes. En tout un groupe de 36 personnes (l’entourage, old ladies, groupies, enfants, dealers, etc) plus une équipe de cinéma (7 technicien­s). 19 mars : tout ce joli monde s’entasse dans un Super Constellat­ion qui s’envole pour la première date, prévue dans la riante cité de Detroit. La suite est historique : carburant à l’herbe, au bourbon et à la coke, les furieux rockers ravagent trois mois durant l’Amérique profonde. Enregistré au Fillmore East lors d’une semaine bien bordélique, l’album double est un monument de rock baltringue. Sauvant quatre titres des deux premiers albums de Cocker, son équipe batifole dans les standards du moment, mettant à contributi­on Stones, Beatles, Dylan et Traffic, mais le gros du show vire à la revue soul (avec des titres de Ray Charles, Lowell Fulsom, Sam And Dave, Otis Redding, etc). La voix transcende tout. Chaude et rugueuse, celle de Joe Cocker fait toute la différence. C’est lui la locomotive humaine, le nouveau grand monument de la corde vocale, celui qu’il faut voir, au bord de l’hystérie, tordant les notes et roucoulant la seconde d’après comme si tout cela n’était rien que naturel et tellement facile. Le manager Dee Antony sent bien que l’affaire est périlleuse. N’importe. Sous sa houlette, Joe Cocker et ses Mad Dogs visitent 48 villes en trois mois. Très vite, Cocker et Russell entrent en conflit. Dommage : “The Letter”, single enregistré en urgence pendant les répétition­s, cartonne dans les charts. Joe Cocker, homme a qui tout réussit, commence sa lente descente aux tréfonds de l’alcool. A la fin de la tournée, il arrête tout pendant deux ans, burn out.

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