James Brown
“SEX MACHINE”
KING
Une fois encore, notre ami
Jaaaaames avait quelque peu exagéré. Son single “I’m Black And I’m Proud” lui ayant valu l’intérêt conjugué des Panthères Noires et du fisc américain, bientôt il faudrait revendre l’avion, les stations de radio et reprendre le collier de forçat du show-business. Pour couronner le tout, les bons vieux JB’s, orchestre qui accompagnait mister Brown depuis des lustres demandaient l’impossible : une augmentation. Fou de rage, le parrain (de la soul) vire illico ces félons qui l’accompagnent depuis dix années. Lui qui s’apprêtait à publier un disque live qui mettrait en valeur Fred Wesley et Maceo, Jimmy Nolen le guitariste fou dont la Stratocaster imitait si élégamment le cri du poulet qu’on décapite à la hache dans la cour de la ferme. Seul Jabo Starks, l’implacable batteur reste fidèle au patron. Qui, se trouvant fort dépourvu, embauche séance tenante un groupe de jeunes turcs (les New Dabbs) qu’il rebaptise New JB’s. James étant James, il va profiter de l’aventure pour faire accomplir à la musique noire un bond quantique. Après un retour aux racines sous forme d’un concert dans sa bonne ville natale d’Augusta, James Brown réalise qu’il vient de découvrir une mine d’or. La façon unique dont le jeune bassiste Bootsy Collins fait tourner la machine, les miaulements de la guitare de son frère Catfish, la place prépondérante accordée à l’aboyeur à voix de ténor (grandiose Bobby Byrd)... tout cela est gigantesque, moderne. Dans la salle de concert dévastée, des femelles hystérisent au milieu de flaques d’humidité, des frangins s’interpellent : “Putain mec, il a la bombe atomique, James ?” La même nuit, un studio est réservé à Nashville. James affrète son jet, y entasse le groupe et fonce vers la capitale des rednecks. Au cours d’une séance marathon de douze heures, il va enregistrer plus de dix minutes de délire sexuel, forcément sexuel : “Get up,
I feel like being a Sex Machine.” Soudain la musique ne se contente plus de tourner autour de la chose. “J’ai dit à Bootsy d’arrêter de tout jouer, mais de se concentrer sur le contretemps et de le plaquer au début de chaque mesure.” Des années plus tard, James nous avouera avoir joué sa carrière sur ce coup de poker, mettant dans la jam “Sex Machine” tout ce qu’il savait faire. L’amour notamment. Merci, Monsieur Brown.